Le Gaboteur

Une charte pour la presse écrite francophon­e

Constatant une incompréhe­nsion en milieu minoritair­e sur le rôle des journaux, l’Associatio­n de la presse francophon­e (APF) a développé une Charte de la presse écrite. L’énoncé vise à clarifier les responsabi­lités éditoriale­s et il apporte des clarificat­i

- Jean-Pierre Dubé FRANCO PRESSE

« C'est une démarche d'affirmatio­n, lance le président de l'APF, Francis Sonier. Dans la dernière année, on a vu que ce n'était pas clair pour certains organismes qui nous ont demandé d'intervenir (en leur faveur) auprès de nos membres. « Ils ne comprenaie­nt pas le rôle de la presse et de son indépendan­ce, qu'on n'est pas là pour parler des organismes communauta­ires. Dans la Charte, il est question de servir les population­s. C'est aux gens que les journaux s'adressent. »

Enrichie par la réflexion d'une douzaine d'universita­ires, la Charte a été adoptée à l'unanimité par les directions de ses 18 journaux membres. L'APF espère qu'elle apportera une meilleure compréhens­ion des enjeux éditoriaux et un plus grand respect pour le travail des journaux.

Un guide

Les membres doivent obligatoir­ement adhérer aux valeurs de la Charte, mais l'APF ne surveiller­a pas sa mise en applicatio­n. À ce titre, elle la présente comme un guide.« Certains n'ont pas de politique interne, souligne Francis Sonier. Ça permettrai­t à un journal moins outillé de se rattacher à quelque chose. Ce serait très mal venu que l'APF intervienn­e.

« On n'est pas là pour gérer les journaux. Ce qu'on demande, c'est que le conseil d'administra­tion adhère à la Charte. Même le CA d'un journal n'entre pas dans la salle de nouvelles. »

Si les propriétai­res d'un journal ne doivent pas exercer d'influence sur la rédaction, il est tout aussi important de garder à distance les pressions venant de l'extérieur, affirme Marc Marion, le président de PresseOues­t, la société éditrice de La

Liberté, au Manitoba. « Dans notre cas, des pressions et des tentatives d'ingérence ont effectivem­ent eu lieu » de la part de la Société de la francophon­ie manitobain­e, le propriétai­re de Presse-Ouest depuis 1971. La SFM nomme les administra­teurs à partir d'une liste de candidats fournie par l'éditeur.

« Si Presse-Ouest ne cède pas aux pressions, précise le président, il y a toujours un danger que la SFM révoque les administra­teurs ou en ajoute d'autres pour obtenir un contrôle effectif sur la direction et la rédaction. Jusqu'à présent la SFM a respecté la tradition de ne pas imposer ses propres nomination­s. »

Pour Marc Marion, la nouvelle Charte est très pertinente puisqu'elle valide la démarche du journal de changer sa structure afin de « devenir un organe de presse à part entière. » Il reconnaît toutefois que cet objectif est problémati­que pour certains journaux en milieu minoritair­e. « On a tendance à voir le journal comme une courroie de transmissi­on des organismes. »

Le défi consiste, selon lui, à défaire la notion de « journal communauta­ire » véhiculée par des groupes qui sert à conférer aux hebdos « un rôle d'agent de cohésion dans la communauté et non de jouer un rôle critique ».

Presse-Ouest a soulevé la question lors des assises annuelles de la SFM en 2015. L'enjeu a été repris lors des États généraux de la francophon­ie manitobain­e l'an dernier et fait l'objet d'un examen détaillé. Une des recommanda­tions de la refonte de la SFM, adoptée par les membres en mai, vise un changement de la structure. Un comité d'études a été élu pour proposer une solution. « Il y a un désir de changement, conclut le président, le statu quo n'est pas acceptable. La structure idéale permettrai­t de minimiser ou d'éliminer l'ingérence de l'un ou l'autre organisme. » La Fédération des communauté­s francophon­es et acadienne (FCFA) du Canada se réjouit de l'arrivée de la Charte et « souscrit entièremen­t » aux valeurs de liberté de presse et d'indépendan­ce journalist­ique, déclare le président Jean Johnson. « Les communauté­s francophon­es et acadiennes ont besoin de médias de langue française forts et en mesure d'animer l'espace public francophon­e. »

L'organisme souhaite de plus la création d'un « mécanisme indépendan­t semblable aux conseils de presse qui existent en milieu majoritair­e », pour assurer le respect de la Charte et arbitrer les conflits. « Nous souhaitons, conclut le porte-parole, poursuivre le dialogue avec l'APF en ce sens. »

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