Quand « l’autre » devient un fier terre-neuvien
La fierté que ressentent les TerreNeuviens pour leur province et leur culture est flagrante dans des chansons telles que Anti-Conferederate Song et The Islander. Selon Statistiques Canada, 65 pour cent des résidents de TerreNeuve-et-Labrador ont tendance à avoir un fort sentiment d'attachement à leur province.
Fierté et résilience
Terre-neuviens et Labradoriens se considèrent comme des membres de l'« autre société distincte » du Canada. Cette fierté a forcément besoin d'être célébrée. La longue histoire politique distincte de Terre-Neuve-etLabrador devrait faire partie intégrante du système éducatif. Les récits partagés de résilience de la province ont depuis longtemps été utilisés pour combattre les forces colonialistes qui ont menacé la culture propre à ici.
Ce besoin d'appartenance à un groupe, à une nation, est lié au concept de maintien d'une intégrité sociale et psychologique, qui est un point commun à toute nation.
Néanmoins, les questions de nationalisme et d'identité nationale au sein d'une petite entité politique telle que Terre-Neuveet-Labrador peuvent parfois conduire au rejet des « autres » (ceux qu'on appelle mainlanders (les continentaux) ou CFAs, acronyme de « Come from Away »). Comment fait-on pour que les « venus d'ailleurs » se sentent intégrés ? Comment peut-on s'assurer du maintien des nouveaux arrivants quand ils deviennent encore trop souvent de simples visiteurs ?
Un nationalisme particulier
Premièrement, et avant-tout, comme la Commission royale pour renouveler et fortifier notre rôle au sein du Canada l'a stipulée il y a presque 15 ans, la province a besoin de trouver sa place au sein de la Confédération. Terre-Neuve-et-Labrador a essentiellement compté sur des premiers ministres provinciaux puissants et « plus grands que nature » pour positionner la province dans la nation canadienne. Par exemple, sous le gouvernement Williams, Terre-Neuve s'est fait reconnaître comme étant une battante. Néanmoins, le précédent gouvernement progressiste-conservateur n'était pas le seul à faire le dos rond face au dénigrement des instances gouvernementales d'Ottawa.
Ce dénigrement d'Ottawa prend la forme d'un nationalisme politique particulier qui, en accentuant les particularismes économiques, environnementaux et sociétaux de la province, a encouragé celle-ci à avoir un sentiment d'appartenance distinct au sein du cadre national canadien. Cette rhétorique est aussi susceptible de créer l'apparition d'un isolationnisme involontaire. De telles formes de nationalisme risquent d'être difficiles à maintenir à long terme et pourraient nuire à la capacité de rétention des nouveaux arrivants (continentaux ou immigrants) à qui il serait rappelé au quotidien qu'ils « ne sont pas d'ici ».
Pour permettre à la province de prospérer et d'être économiquement et culturellement variée et durable, il faut être inclusif. Il est important que les CFAs se sentent faire partie de la Cité. Une partie de la solution est donc de repenser le récit de l'identité terre-neuvienne et de sa résilience malgré les influences sociales et politiques extérieures. Au lieu d'avoir une approche conflictuelle et condescendante, qui donne aux premiers ministres de la province l'occasion d'être perçus comme des meneurs d'une opposition frontale avec le reste du pays, mieux vaut positiver : opter pour une approche qui permette aux citoyens de participer au débat national et de s'engager activement aux côtés des nouveaux arrivants dans la province.
Faciliter l’intégration des « autres »
La province devrait faciliter l'intégration des « autres » en organisant des forums publics et des événements culturels ouverts où Terre-neuviens et CFAs partageraient leurs histoires respectives par le biais de récits en ligne et de visites en personne à The Rooms (archives provinciales, musée et galerie d'art), et en étant associés à l'élaboration des programmes éducatifs à tous les niveaux.
Les traditions locales des Terreneuviens et des nouveaux arrivants peuvent aussi être partagées dans le cadre d'un parrainage, par exemple, d'une famille récemment immigrée par une famille terre-neuvienne. Ces rencontres autour d'un Jiggs
Dinner ou d'un curry pourraient renforcer le caractère unique de l'échange tout en étant une occasion, par le partage de leurs expériences, de relier les gens les uns aux autres. L'engagement civique pourrait être encouragé par des discussions publiques portant sur des questions telles que : Comment imaginez-vous la future Terre-Neuve et le futur Labrador ? Qu'est-ce qu'il faudrait pour que vous vous installiez pour de bon ici ?
Les festivals culturels pourraient être des occasions de partager des traditions aussi bien musicales que culinaires, que dans les domaines de la danse, la littérature, le cinéma, ou les arts plastiques. Une politique éducative qui mettra l'accent sur l'expérience partagée lors d'une démarche d'immigration aidera à renforcer les liens entre les habitants de la province, d'où qu'ils viennent. La province s'est elle-même construite à travers l'immigration et un processus d'aller-retour. Il est important d'être fier du passé (tant la résilience des colons que celle des autochtones) et de le mettre en parallèle avec la résilience des nouveaux Canadiens et des gens du pays, tous venus avec l'espoir de construire une nouvelle vie avec de nouvelles perspectives et de nouvelles idées.
À travers le partage d'expériences, l' « autre » peut ainsi devenir une partie intégrante de Terre-Neuveet-Labrador et le sentiment d'appartenance et d'identité nationale n'en sera que plus fort.