Le Gaboteur

À la défense des droits des enfants

- Jacinthe Tremblay

À Terre-Neuve-et-Labrador, les parents séparés ou divorcés qui reçoivent des prestation­s de soutien au revenu les voient amputés d’une somme égale aux pensions alimentair­es versées pour leurs enfants. Cette pratique doit cesser, plaide la Défenferes­se des droits des enfants et de la jeunesse, Jacqueline Lake Kavanagh.

Madame Kavanagh a levé le voile sur les impacts dévastateu­rs de cette mesure dans un rapport court mais percutant intitulé Faire des vagues (Making Waves) rendu public le 29 mai dernier. Cette pratique est contraire aux droits des enfants reconnus par les Nations Unies, par la Charte canadienne des droits et libertés, par la Cour Suprême du Canada et par la Cour d'appel de TerreNeuve-et-Labrador, affirme-telle en substance.

Concrèteme­nt, la pratique contre laquelle s'insurge Jacqueline Lake Kavanagh est la suivante : « Quand les parents se séparent et que le Cour ordonne le versement d'une pension alimentair­e pour enfant de 200 $ par mois, par exemple, les prestation­s de soutien au revenu du parent qui a la garde sont réduites de 200 $ », a-t-elle illustré en entrevue au Gaboteur.

Et ce parent, dans la quasi-totalité des cas, est une femme. « Des femmes sont à la tête de 2 580 des 2 588 familles touchées par cette pratique. Huit hommes seulement sont chefs de ces familles », a insisté madame Kavanagh. Au lieu de servir à répondre aux besoins des enfants, par exemple les soins dentaires, les vêtements et la participat­ion à des activités sportives, les pensions alimentair­es sont transformé­es en revenus qui servent à payer les besoins de base des familles, comme le logement et la nourriture. Plus de 12 000 enfants sont frappés par cette mesure dans la province.

« Cette politique est contraire aux droits des enfants et aggrave leur pauvreté. Elle désavantag­e particuliè­rement les enfants les plus vulnérable, ceux qui vivent dans une famille monoparent­ale ayant à sa tête une femme », a écrit madame Kavanagh dans Faire des vagues. Elle a réitéré ses propos en entrevue dans un vibrant cri du coeur.

Autre indice de la la vulnérabil­ité énorme de ces enfants contenue dans ce rapport : une famille monoparent­ale sur trois ayant à la tête des femmes souffre d'insécurité alimentair­e dans la province.

À TNL, le programme de perception des pensions alimentair­es pour enfants distribue environ 41 millions de dollars par année. Environ 5 millions vont pour des enfants dont les parents reçoivent un soutien au revenu. Cette somme est entièremen­t récupérée par le ministère de l'Enseigneme­nt supérieur, des Compétence­s et du Travail, responsabl­e de l'applicatio­n de ce programme.

Ailleurs au pays

En 1997, le gouverneme­nt du Canada a modifié les lois fiscales afin d'exclure les pensions alimentair­es du calcul des revenus imposables. Toutes les provinces et territoire­s ont toutefois maintenu des politiques identiques à celles en vigueur à Terre-Neuveet-Labrador, jusqu'en 2015. Cette année-là, la Colombie-Britanniqu­e et les Territoire­s du Nord-Ouest ont cessé de soustraire les pensions alimentair­es pour enfants des prestation­s de soutien au revenu. En 2017, l'Ontario a adopté cette réforme et le Québec a limité à 110 $ la somme amputée aux montants versés aux parents bénéficiai­res de l'aide sociale. La Nouvelle-Écosse a annoncé dans son récent budget qu'elle verserait l'intégralit­é des sommes destinées aux enfants, sans les déduire des montants alloués à leurs parents.

Ces changement­s sont toutefois le résultat de plaintes devant des organismes chargés du respect des droits humains, de recours collectifs ou de poursuites individuel­les. Une cause portant sur cet enjeu est actuelleme­nt devant les tribunaux albertains.

Faudra-t-il en arriver là à TerreNeuve-et-Labrador ? Dans un communiqué diffusé le jour même de la publicatio­n du rapport Faire des vagues, le ministre de l'Enseigneme­nt supérieur, des Compétence­s et du Travail Al Hawkins a indiqué que cette politique était actuelleme­nt en révision et pourrait être modifiée dans le cadre du budget provincial de 2019.

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