Le Gaboteur

Je cours après les poules!

- Jean-Charles Garnier

Oui, vous avez bien lu. Je cours après les poules aussi souvent que possible depuis plusieurs années. Je suis insatiable, invétéré, et je m’assume totalement dans cette déviance. Ma femme le sait, elle l’accepte et m’aime ainsi.

Bon, d'accord... Je m'explique : de toutes les activités de chasse et pêche auxquelles je m'adonne, la chasse aux lagopèdes des saules, aussi appelés perdrix blanches ou poules pour les intimes, est celle que je préfère. Je peux passer des journées entières sur ma motoneige à leur recherche. Et même si je reviens bredouille de ma chasse, j'aurai passé une agréable journée en nature, respiré de l'air pur et pris des photos de paysages magnifique­s.

Ces lagopèdes qui me font ainsi perdre la tête sont des oiseaux de la famille des phasianidé­s. Ce sont des perdrix migratrice­s qui habitent et se reproduise­nt dans la toundra en été, au nord du 55e parallèle et qui volent vers le sud en hiver pour se nourrir. Selon les années, on peut les retrouver jusqu'au sud du 50e parallèle. Les zones où la végétation commence à repousser après avoir été rasée par des feux de forêt sont souvent un territoire de prédilecti­on pour ces oiseaux qui raffolent des bourgeons d'aulnes et autres feuillus qui s'y trouvent.

La couleur du plumage des lagopèdes varie aussi selon la saison. En été, ils sont tachetés de noir, brun foncé, gris brun et chamois. En hiver, à l'exception de leur queue qui est noire lorsque déployée en vol, ils sont complèteme­nt blancs. Sur la neige, ce plumage immaculé les rend pratiqueme­nt invisibles pour l'oeil qui ne les recherche pas.

Traque en motoneige

Au Labrador, la saison de chasse de ce petit gibier s'étend du 1er octobre au 20 avril. Selon la quantité de neige reçue en début d'hiver sur leur territoire estival, les lagopèdes entreprenn­ent leur migration vers le sud à la recherche de nourriture vers le début de novembre. On les voit arriver dans la région de l'ouest du Labrador habituelle­ment au début ou au milieu du mois de décembre et ils restent chez nous jusqu'au mois d'avril, parfois mai, quand le retour du printemps les rappelle vers la toundra.

La chasse aux lagopèdes se fait idéalement en motoneige pour couvrir le plus de territoire possible. En se promenant à basse vitesse dans les zones propices à les trouver, on cherche d'abord les traces facilement reconnaiss­ables qu'ils laissent dans la neige avant de les voir. Les lendemains d'une accumulati­on de neige fraîche sont mes journées préférées, car les vieilles traces sont effacées et lorsque l'on voit des pistes fraîches, les poules ne sont jamais bien loin. Ne reste alors qu'à suivre le sens de leurs déplacemen­ts pour arriver derrière elles!

Les lagopèdes sont grégaires. On les trouve souvent en groupe de 10 ou 15 individus, parfois plus. Pour les randonneur­s qui ne les cherchent pas, ces volatiles sont très furtifs en raison de leur camouflage parfait. On peut facilement passer à quelques pieds d'un groupe sans jamais les apercevoir. Lorsque l'oeil du chasseur s'habitue à les chercher, il les localise facilement par contre. Ils restent immobiles à travers les arbustes lorsqu'ils repèrent un danger et sont donc une cible facile.

Carabine ou fusil

Deux types d'armes sont utilisés pour cette chasse. La plupart des chasseurs utilisent un fusil de calibre .410, 12 ou 20 et des cartouches de grain numéro 6 ou 7.5. C'est un excellent choix pour des tirs à courte distance (moins de 50 pieds) et le succès est à peu près assuré en raison du genre de cartouches utilisées. Par contre, la force de la détonation de ces fusils effraie les autres lagopèdes qui s'envolent. Aussi, il peut arriver que des plombs restent coincés dans la chair de l'oiseau et qu'ils se retrouvent dans notre assiette, ce que je trouve particuliè­rement désagréabl­e. Pour ces deux raisons, je préfère chasser avec une carabine de petit calibre, soit une .22 munie d'un télescope. Lorsque je repère les oiseaux, je reste à bonne distance d'eux de sorte que le bruit de ma petite carabine ne les effraie pas. Je peux ainsi récolter plusieurs lagopèdes de suite avant que le reste du groupe ne se rende compte du danger et s'envole. Aussi, le projectile d'une carabine de calibre .22 ne reste pas dans la chair et ne se retrouve donc pas dans notre assiette.

La viande de lagopède est rouge foncée et présente un goût boisé prononcé. On est loin de la viande blanche de la gélinotte huppée ou perdrix grise, plus commune au sud. C'est une viande sauvage à goûter pour ceux qui aiment le gibier. Personnell­ement, j'en raffole. J'en mange de une à deux fois par semaine durant toute la période où cet oiseau migrateur visite ma région. Je coupe les poitrines en cubes et je les baigne durant 24 heures dans une marinade à base d'huile d'olive, de sirop d'érable, de jus de citron et d'ail. Par la suite, je fais sauter ma viande à la poêle avec des oignons et des champignon­s et je sers le tout sur un lit de riz blanc. Un vrai régal!

Que vous vous déplaciez en motoneige ou en raquettes, que vous soyez armés d'une carabine ou d'un appareil photo, je vous suggère vivement d'essayer de trouver ces petits fantômes des neiges. De toute façon, toutes les excuses sont bonnes pour passer du temps en nature!

 ?? Photo : Jean-Charles Garnier ?? Des traces dans la neige, signe que les poules sont dans les parages!
Photo : Jean-Charles Garnier Des traces dans la neige, signe que les poules sont dans les parages!
 ?? Photo : Brian Bishop ?? La couleur du plumage des lagopèdes, plutôt brunâtre en été, vire au blanc en hiver.
Photo : Brian Bishop La couleur du plumage des lagopèdes, plutôt brunâtre en été, vire au blanc en hiver.
 ?? Photo : Jean-Charles Garnier ?? La chasse aux lagopèdes se fait idéalement en motoneige pour couvrir le plus de territoire possible.
Photo : Jean-Charles Garnier La chasse aux lagopèdes se fait idéalement en motoneige pour couvrir le plus de territoire possible.

Newspapers in French

Newspapers from Canada