Urgence alimentaire
Vivre avec l’inquiétude de n’avoir rien sur les tablettes lors de tempêtes est une réalité ici. Mais le vent tourne !
Depuis quelques années, il semble y avoir un véritable engouement, voire une tendance et un momentum pour l’émergence d’une foule d’initiatives dans les domaines de l’agriculture, de l’alimentation et de la santé en général.
Autant dans le secteur privé, public, que communautaire, le virage est bel et bien amorcé pour enfin sortir la province de sa dépendance à l’importation alimentaire.
ENGOUEMENT
En entrevue au Gaboteur, Étienne Beaulieu, coordonnateur d’un tout nouveau projet de serres très novateur explique que parallèlement aux agriculteurs et aux fermiers chevronnés, c’est une toute nouvelle génération d’acteurs passionnés et de tous horizons qui se met en branle, alliant un fin mélange de connaissances d’aujourd’hui, d’hier et d’ailleurs.
L’effervescence du mouvement des brasseries artisanales est dans cette veine. Les nouvelles ouvertures se multiplient, notamment à Labrador City, à St. Anthony et à Conception Bay South, s’ajoutant aux plus « anciennes » établies à St. John’s, à Port Rexton et à Pasadena. De nouveaux marchés locaux offrants fruits, légumes, viandes et même du sirop d’érable local voient le jour.
Il y a également les récentes histoires à succès de réfugiés cultivateurs venus s’établir dans la province et dont l’expertise contribue à l’émergence d’offre de nouveaux produits, tels des concombres syriens et des gourganes cultivés à la ferme Murray Meadows à Portugal Cove.
De plus en plus d’écoles, un peu partout dans la province, se sont jointes au mouvement « de la ferme à l’école», offrant à leurs élèves une variété de fruits et légumes frais, locaux et biologiques. Dans la foulée, même les centres de santé sont en train d’emboîter le pas « des fermes à l’hôpital»!
Selon monsieur Beaulieu, dans la dernière année, les adeptes de l’agriculture se sont multipliés. À titre d’exemple, la page Facebook Backyard Farming & Homesteading NL, où plus de 21000 membres, soit 6000 de plus que l’an dernier, s’échangent une foule de trucs sur la façon de produire et dénicher des aliments locaux.
OBJECTIF : 20 % DES BESOINS
Avec son ambitieux défi de doubler l’autosuffisance alimentaire d’ici 2022, soit de produire suffisamment de nourriture pour combler 20% des besoins de la population, le gouvernement est aussi de la partie !
Que ce soit en cherchant des solutions innovantes pour optimiser la croissance des semis, faciliter la création de lieux et services pour l’abatage de viandes locales, en retirant des barrières à l’agriculture ou en identifiant de nouvelles terres agricoles au Labrador, le gouvernement semble résolu à voir se développer le secteur agricole et voir émerger de nouvelles façons de faire.
On peut y lire dans leur engagement sur la voie à suivre en agriculture «Double Provincial Food Self-Sufficiency by 2022/Doubler l’autosuffisance alimentaire provincial d’ici 2022 », une volonté de favoriser non seulement l’expansion des entreprises établies, mais également de soutenir et voir émerger de nouvelles activités en agriculture.
Il est utile de rappeler qu’au début du siècle dernier, une communauté vibrante de fermiers garnissait les marchés de Saint-Jean. La province comptait d’ailleurs jadis pas moins de 3600 fermes. Or, au cours des dernières décennies, la province est devenue très dépendante des importations en denrées alimentaires de toute sorte.
La philosophie agricole à Terre-Neuve-et-Labrador n’a pas échappé à la mouvance mondiale du libre échange et les gouvernements successifs ont plutôt encouragé le développement des méga fermes. Ajouté à cela, le vieillissement de la population, la perte de savoir faire, les changements des moeurs, accentuant ainsi la dépendance.
Ainsi, depuis 2011 seulement, la province a perdu plus de 20 % de ses fermes, on en comptait à peine 407 en 2016.
Mais le vent tourne...
« Autant dans le secteur privé, public que communautaire, le virage est bel et bien amorcé pour enfin sortir la province de sa dépendance à l'importation alimentaire ».