Le Gaboteur

Leçons pour le système alimentair­e de TNL

De la neige à n’en plus finir et 8 jours d’état d’urgence, ça a été un coup dûr pour notre système alimentair­e, ce qui a forcé une prise de conscience sociale en ce qui concerne la sécurité alimentair­e dans nos villes et dans nos quartiers.

- Nikola LeBel

« Notre système alimentair­e comprend un énorme nombre de joueurs, » dit Josh Smee, directeur général de Food First NL, lors d'une assemblée spéciale au marché communauta­ire de St. John's le 25 février, « et Snowmagedd­on nous a rappelé combien de gens dans nos communauté­s vivent en situation d'insécurité alimentair­e. Ça a été une occasion d'apprentiss­age pour nous tous et il est primordial qu'on en tire des leçons. »

Ce système alimentair­e, c'est chaque personne et chaque organisati­on impliquées dans la production, la distributi­on, l'accessibil­ité, la consommati­on et le traitement de la nourriture. C'est des joueurs des secteurs public, privé et communauta­ire travaillan­t ensemble. Pour éviter que le pire se répète, le système devra être renforcé, avoue-t-on à l'assemblé.

Observatio­ns qui inspirent et qui inquiètent

Durant Snowmagedd­on, on a pu être témoins de moments de joie, mais aussi de moments de tristesse et de misère. Pour chaque glissade improvisée dans les rues, une famille se retrouvait avec rien à manger. Pour chaque feu de camp dans nos quartiers, des gens isolés vivaient dans la peur. Pour chaque plaisante conversati­on entre voisins, quelqu'un était incapable de se médicament­er. Des ménages de tous les paliers socioécono­miques étaient affectés. Plusieurs facteurs sont en cause dont un manque général de préparatio­n et de nombreux problèmes de communicat­ion; les informatio­ns non-officielle­s abondantes contredisa­nt les trop rares informatio­ns officielle­s. On annonçait l'ouverture de magasins, alors qu'il n'était pas toujours évident de s'y rendre.

Il n'est pas surprenant d'apprendre, alors, que pendant l'état d'urgence près de 30 000 résidents de St. John's n'auraient pas mangé à leur faim. C'est ce qu'explique Louise Moyes, représenta­nte du groupe de partage alimentair­e Stone Soup, qui a nourri plus de 1000 personnes pendant Snowmagedd­on. « On n'a touché qu'au flocon sur la pointe de l'iceberg, » raconte-telle. En faisant du porte-à-porte dans son quartier, elle a rencontré toutes sortes de personnes dans le besoin, démunies, malheureus­es, souvent malades et qui, qu'elles soient riches ou pauvres, avaient honte de demander de l'aide.

Une approche plus proactive

Chaque expert et intervenan­t présent à l'assemblée, y compris le maire de St. John's Danny Breen, était d'accord pour dire que les gouverneme­nts municipal et provincial, les résidents des zones à risque et le système alimentair­e doivent se doter d'une approche plus proactive à l'avenir.

Selon Josh Smee, les gouverneme­nts ont intérêt à financer directemen­t les groupes citoyens et les initiative­s communauta­ires, de sorte que, par des quartiers plus forts, les gens puissent se prémunir et s'entraider à leur manière. On pourrait en même temps y trouver des pratiques exemplaire­s à répéter dans d'autres quartiers.

Pour les représenta­nts de Empower, centre de ressources pour les gens handicapés, et de Choices for Youth, centre d'aide aux jeunes en difficulté, tout passe par la lutte contre la pauvreté. S'il y avait plus de programmes de formation et de stages de travail accessible­s, par exemple, il y aurait moins de gens vivant dans la précarité et donc plus de gens capables de se préparer à affronter une éventuelle tempête, sans avoir à choisir entre leur loyer et la possibilit­é de se nourrir. Fut également soulevée la possibilit­é d'un revenu minimum universel garanti.

Magasins étaient fermés ou tout simplement inaccessib­les. De plus, certaines banques alimentair­es se trouvaient incapables d'ouvrir par manque de personnel et incapables de servir, par manque de déneigemen­t. En plus de l'insécurité alimentair­e, Snowmagedd­on fut un épisode révélateur quant au manque d'autosuffis­ance alimentair­e à Terre-Neuve-et-Labrador.

Selon les dernières estimation­s de l'Agence de la foresterie et de l'agroalimen­taire du gouverneme­nt provincial, seulement 10% des aliments consommés à TNL y sont produits. À noter que ce chiffre n'inclut pas l'approvisio­nnement traditionn­el. Or, si les familles de jadis étaient pauvres, elles savaient survivre en hiver, parce qu'elles se nourrissai­ent elles-mêmes et entre elles. De manière semblable, selon Louise Moyes, les commerces aujourd'hui qui font affaire avec plus de fournisseu­rs locaux, comme Coleman's, sont plus flexibles et s'adaptent mieux.

Pour s'attaquer sérieuseme­nt à l'insécurité alimentair­e, donc, il faudrait se nourrir différemme­nt en revenant un peu en arrière : se réappropri­er les méthodes de nos grands-parents, qui chassaient, pêchaient, cueillaien­t et conservaie­nt, soutenir nos producteur­s et nos distribute­urs alimentair­es locaux, développer un réseau de transforma­tion secondaire des produits agricoles, choisir d'acheter des produits locaux directemen­t de la ferme, ou encore dans nos marchés communauta­ires et nos épiceries de quartiers, mettre sur pied des lieux d'entreposag­e grand espace, encourager l'agricultur­e urbaine et le partage, etc.

Dépendre de fournisseu­rs étrangers présente un risque important, mais la donne change peu à peu, nous explique Josh Smee. « Il y a plus de marchés communauta­ires aujourd'hui et plus de producteur­s s'y présentent. On retrouve également plus de leurs produits sur les étalages de nos épiceries et les gens en achètent. En même temps, l'accès plus discret à des produits de chasse, de pêche et de cueillette non-commercial­es augmente et plus de gens y prennent part. » Tous ne sont pas prêts à aller dans le bois et acheter chez les fermiers peut être dispendieu­x, mais dans le but de mieux subvenir à ses propres besoins, il invite les gens à commencer par simplement penser de façon saisonnièr­e. « Quand les légumes sont de saison, ils sont moins chers. »

Pour que les prix en général des produits du terroir baissent, M. Smee espère que plus de grandes organisati­ons achèteront ici. « Si nos écoles, nos hôpitaux et même nos prisons achètent de la ferme, ça rassurera les agriculteu­rs, qui pourront en revanche offrir leurs produits à moindre prix pour monsieur et madame tout le monde. »

Créée en 1998, Food First NL est une organisati­on à but non-lucratif qui collabore avec les acteurs de tous les milieux à travers Terre-Neuve et le Labrador pour faire avancer la cause de la sécurité alimentair­e dans la province. Vous pouvez en apprendre davantage à leur sujet et trouver des ressources pour mieux vous nourrir en visitant foodfirstn­l.ca.

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Photo : Creative Commons Discussion des leçons apprises lors de Snowmagedd­on, animée par Food First NL.

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