Leçons pour le système alimentaire de TNL
De la neige à n’en plus finir et 8 jours d’état d’urgence, ça a été un coup dûr pour notre système alimentaire, ce qui a forcé une prise de conscience sociale en ce qui concerne la sécurité alimentaire dans nos villes et dans nos quartiers.
« Notre système alimentaire comprend un énorme nombre de joueurs, » dit Josh Smee, directeur général de Food First NL, lors d'une assemblée spéciale au marché communautaire de St. John's le 25 février, « et Snowmageddon nous a rappelé combien de gens dans nos communautés vivent en situation d'insécurité alimentaire. Ça a été une occasion d'apprentissage pour nous tous et il est primordial qu'on en tire des leçons. »
Ce système alimentaire, c'est chaque personne et chaque organisation impliquées dans la production, la distribution, l'accessibilité, la consommation et le traitement de la nourriture. C'est des joueurs des secteurs public, privé et communautaire travaillant ensemble. Pour éviter que le pire se répète, le système devra être renforcé, avoue-t-on à l'assemblé.
Observations qui inspirent et qui inquiètent
Durant Snowmageddon, on a pu être témoins de moments de joie, mais aussi de moments de tristesse et de misère. Pour chaque glissade improvisée dans les rues, une famille se retrouvait avec rien à manger. Pour chaque feu de camp dans nos quartiers, des gens isolés vivaient dans la peur. Pour chaque plaisante conversation entre voisins, quelqu'un était incapable de se médicamenter. Des ménages de tous les paliers socioéconomiques étaient affectés. Plusieurs facteurs sont en cause dont un manque général de préparation et de nombreux problèmes de communication; les informations non-officielles abondantes contredisant les trop rares informations officielles. On annonçait l'ouverture de magasins, alors qu'il n'était pas toujours évident de s'y rendre.
Il n'est pas surprenant d'apprendre, alors, que pendant l'état d'urgence près de 30 000 résidents de St. John's n'auraient pas mangé à leur faim. C'est ce qu'explique Louise Moyes, représentante du groupe de partage alimentaire Stone Soup, qui a nourri plus de 1000 personnes pendant Snowmageddon. « On n'a touché qu'au flocon sur la pointe de l'iceberg, » raconte-telle. En faisant du porte-à-porte dans son quartier, elle a rencontré toutes sortes de personnes dans le besoin, démunies, malheureuses, souvent malades et qui, qu'elles soient riches ou pauvres, avaient honte de demander de l'aide.
Une approche plus proactive
Chaque expert et intervenant présent à l'assemblée, y compris le maire de St. John's Danny Breen, était d'accord pour dire que les gouvernements municipal et provincial, les résidents des zones à risque et le système alimentaire doivent se doter d'une approche plus proactive à l'avenir.
Selon Josh Smee, les gouvernements ont intérêt à financer directement les groupes citoyens et les initiatives communautaires, de sorte que, par des quartiers plus forts, les gens puissent se prémunir et s'entraider à leur manière. On pourrait en même temps y trouver des pratiques exemplaires à répéter dans d'autres quartiers.
Pour les représentants de Empower, centre de ressources pour les gens handicapés, et de Choices for Youth, centre d'aide aux jeunes en difficulté, tout passe par la lutte contre la pauvreté. S'il y avait plus de programmes de formation et de stages de travail accessibles, par exemple, il y aurait moins de gens vivant dans la précarité et donc plus de gens capables de se préparer à affronter une éventuelle tempête, sans avoir à choisir entre leur loyer et la possibilité de se nourrir. Fut également soulevée la possibilité d'un revenu minimum universel garanti.
Magasins étaient fermés ou tout simplement inaccessibles. De plus, certaines banques alimentaires se trouvaient incapables d'ouvrir par manque de personnel et incapables de servir, par manque de déneigement. En plus de l'insécurité alimentaire, Snowmageddon fut un épisode révélateur quant au manque d'autosuffisance alimentaire à Terre-Neuve-et-Labrador.
Selon les dernières estimations de l'Agence de la foresterie et de l'agroalimentaire du gouvernement provincial, seulement 10% des aliments consommés à TNL y sont produits. À noter que ce chiffre n'inclut pas l'approvisionnement traditionnel. Or, si les familles de jadis étaient pauvres, elles savaient survivre en hiver, parce qu'elles se nourrissaient elles-mêmes et entre elles. De manière semblable, selon Louise Moyes, les commerces aujourd'hui qui font affaire avec plus de fournisseurs locaux, comme Coleman's, sont plus flexibles et s'adaptent mieux.
Pour s'attaquer sérieusement à l'insécurité alimentaire, donc, il faudrait se nourrir différemment en revenant un peu en arrière : se réapproprier les méthodes de nos grands-parents, qui chassaient, pêchaient, cueillaient et conservaient, soutenir nos producteurs et nos distributeurs alimentaires locaux, développer un réseau de transformation secondaire des produits agricoles, choisir d'acheter des produits locaux directement de la ferme, ou encore dans nos marchés communautaires et nos épiceries de quartiers, mettre sur pied des lieux d'entreposage grand espace, encourager l'agriculture urbaine et le partage, etc.
Dépendre de fournisseurs étrangers présente un risque important, mais la donne change peu à peu, nous explique Josh Smee. « Il y a plus de marchés communautaires aujourd'hui et plus de producteurs s'y présentent. On retrouve également plus de leurs produits sur les étalages de nos épiceries et les gens en achètent. En même temps, l'accès plus discret à des produits de chasse, de pêche et de cueillette non-commerciales augmente et plus de gens y prennent part. » Tous ne sont pas prêts à aller dans le bois et acheter chez les fermiers peut être dispendieux, mais dans le but de mieux subvenir à ses propres besoins, il invite les gens à commencer par simplement penser de façon saisonnière. « Quand les légumes sont de saison, ils sont moins chers. »
Pour que les prix en général des produits du terroir baissent, M. Smee espère que plus de grandes organisations achèteront ici. « Si nos écoles, nos hôpitaux et même nos prisons achètent de la ferme, ça rassurera les agriculteurs, qui pourront en revanche offrir leurs produits à moindre prix pour monsieur et madame tout le monde. »
Créée en 1998, Food First NL est une organisation à but non-lucratif qui collabore avec les acteurs de tous les milieux à travers Terre-Neuve et le Labrador pour faire avancer la cause de la sécurité alimentaire dans la province. Vous pouvez en apprendre davantage à leur sujet et trouver des ressources pour mieux vous nourrir en visitant foodfirstnl.ca.