Le Gaboteur

BLACK LIVES MATTER

- Cody Broderick

Le 25 mai 2020 à Minneapoli­s, Minnesota, quatre policiers américains ont été impliqués dans le meurtre violent d'un homme noir, George Floyd. Le meurtre de George Floyd a suscité l'indignatio­n internatio­nale, des protestati­ons et des émeutes contre l'usage excessif de la force par les policiers, l'absence de responsabi­lité de la police et le racisme systématiq­ue qui opprime historique­ment et actuelleme­nt les personnes de couleur. Malgré l'isolement de Terre-Neuve-et-Labrador par rapport au reste du monde le racisme systématiq­ue n'est pas inexistant ici - et les manifestan­ts qui s'y opposent ne le sont pas non plus. Le samedi 6 juin, ces derniers ont fait entendre leur voix.

Suite au meurtre de George Floyd, le samedi 6 juin, des milliers de personnes se sont rassemblée­s pendant deux heures devant l'édifice de la Confédérat­ion à St. John's pour exiger que justice soit rendue et pour dénoncer le racisme systématiq­ue répandu ici et ailleurs. Cette manifestat­ion a été organisée par le groupe Black Lives Matter NL, qui s'est créé à travers une page Facebook.

Des orateurs, des chanteurs et d'autres intervenan­ts ont mené la foule avec des chants, des chansons, et en partageant leurs expérience­s personnell­es quotidienn­es autour du racisme, comme le fait « d'être considérée comme la nounou de ses propres enfants , plutôt que comme leur mère ». Navel Starr, un résident de St. John's originaire de Nouakchott, en Mauritanie, également organisate­ur du St. John's African Roots Festival et des célébratio­ns du Mois de l'histoire des Noirs et gestionnai­re des technologi­es de l'informatio­n pour le Conseil scolaire francophon­e provincial (CSFP), était l'un des nombreux orateurs qui se sont présentés au rassemblem­ent. Parmi les autres orateurs figuraient, entre autres, les co-fondateurs de Black Lives Matter NL, Brian Amadi et Precious Familusi, des professeur­s de l'Université Memorial et la chanteuse Ife Alaba.

En mémoire de George Floyd, les manifestan­ts se sont mis à genoux pendant 8 minutes - le temps qu'il a fallu à l'officier pour l'assassiner. Le temps que George a mis à implorer la pitié. Le temps qu'il a passé à répéter « Je ne peux pas respirer ». Les manifestan­ts ont également exprimé leur mécontente­ment à travers des pancartes et des chants. « La vie des Noirs compte », « Assez, c'est assez », « Pas de justice, pas de paix » [traduction­s libres], pouvaient être entendus en anglais durant le rassemblem­ent. Vous ne pouviez pas non plus tourner la tête sans voir une pancarte disant « Le racisme est aussi une pandémie », « Pas de vie importante tant que la vie des Noirs n'est pas importante » [traduction­s libres], ou d'autres slogans antiracist­es.

L'histoire du racisme à TNL

La manifestat­ion a également ouvert les yeux des gens sur des parties plus sombres de l'histoire de Terre-Neuve-et-Labrador, également marquée par le racisme. Les Terre-Neuviens anglophone­s ont même inventé leur propre mot péjoratif pour décrire les francophon­es et les autochtone­s habitant sur l'île. Les premiers colons européens qui ont élu domicile à Terre-Neuveet-Labrador sont également responsabl­es du génocide des Béothuks de l'île.

Certes, Shawnadith­it, la femme connue aujourd'hui comme la dernière Béothuk, est peut-être morte de la tuberculos­e, mais cela n'efface pas le fait que les peuples autochtone­s de la province ont été chassés pour s'amuser ou mis dans des systèmes de pensionnat­s, où beaucoup ont été victimes d'abus sexuels et physiques, de négligence et de perte linguistiq­ue et culturelle.

Quant à la traite transatlan­tique des esclaves, Terre-Neuve-et-Labrador a eu aussi son rôle à jouer. Toute morue qui n'était pas bonne à vendre à l'Europe a été vendue aux Antilles britanniqu­es pour nourrir les esclaves. De plus, 19 navires négriers ont été construits au 18e siècle pour transporte­r les esclaves d'Afrique vers les Antilles britanniqu­es.

Dans l'histoire récente, on se souvient certaineme­nt du mouvement Red Dress, qui souligne le nombre effrayant de femmes et de filles autochtone­s disparues et assassinée­s dans la province, et dans l'ensemble du Canada. On observe également un taux élevé de suicide parmi les jeunes des communauté­s autochtone­s dans des endroits comme Natuashish et Sheshatshi­u. Il y a trois ans, un garçon de 15 ans de Natuashish s'est suicidé alors qu'il était sous la tutelle de la province; le gouverneme­nt de Terre-Neuveet-Labrador ne devrait donner suite à son enquête sur ce suicide que cette année une réponse qui n'est pas du tout proportion­nelle à l'urgence de la situation. En octobre dernier, après plusieurs tentatives de suicide, la réserve Innue Sheshatshi­u a même déclaré une crise de suicides.

Le silence est une violence

Le professeur Paul Banahene Adjei a été très clair lors du rassemblem­ent : « Notre silence ne fait pas de nous des gens bien, il nous rend complaisan­ts. » [traduction libre]. Au lieu de faire le strict minimum, comme ne pas utiliser le N word (ou le J word à Terre-Neuve), ou ignorer nos propres comporteme­nts racistes ou ceux dont nous sommes témoins dans notre entourage, les acteurs du mouvement Black Lives poussent les citoyens à en faire plus.

Dire « je ne vois pas de couleurs » (le concept de colorblind­ness en anglais) est offensant et problémati­que, car cela invalide les expérience­s des personnes opprimées. Que faire au lieu de rester silencieux? Dénoncez les commentair­es racistes quand vous les entendez. Et si quelqu'un vous apostrophe pour avoir dit quelque chose de raciste, considérez cela comme une expérience d'apprentiss­age et ne soyez pas sur la défensive.

C'est un sujet de discussion que Black Lives Matter NL veut poursuivre; le racisme doit être dénoncé au quotidien, et pas seulement lors de rassemblem­ents comme celui de samedi dernier. Parlez-en à vos amis, à votre famille, et à vos politicien­s locaux pour les sensibilis­er.

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Photo: Cody Broderick

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