Le Journal de Montreal - CASA

VICES CACHÉS DÉNONCÉS TROP TARD

- PIERRE-PAUL BEAUCHAMP

Après l’achat d’un immeuble, lorsque des acheteurs réclament en justice l’annulation de la vente ou la diminution du prix de vente sur la base de la garantie légale de qualité, c’est parce qu’ils ont constaté l’existence de problèmes d’une certaine gravité après une période d’occupation plus ou moins longue.

Dans un certain nombre de cas, il est question d’infiltrati­ons d’eau à travers des fissures de la fondation, fissures qui étaient indécelabl­es à l’étape de l’inspection préachat.

Selon les faits relatés dans une décision rendue il y a une demi-douzaine d’années, les acheteurs s’étaient portés acquéreurs d’une maison unifamilia­le, mais après peu de temps, ils avaient constaté la présence d’eau au sous-sol.

SUINTEMENT SUR LES MURS ET MOISISSURE­S

L’eau suintait sur l’un des murs de fondation et on apercevait des traces de moisissure­s sur les autres murs donnant sur la chambre d’enfant et sur la salle familiale qui se trouvaient là.

Les acheteurs avaient aussitôt informé les vendeurs du problème, mais ceux-ci leur avaient répliqué que cela ne leur était jamais arrivé. Leur inspecteur préachat leur recommanda « d’installer des gouttières pour éloigner l’eau de la maison, de se munir d’un déshumidif­icateur et poursuivre leur vendeur ». En installant un déshumidif­icateur et en asséchant le soussol à l’aide d’un ventilateu­r, les acheteurs parvinrent à rectifier la situation.

Cependant, un an plus tard, au cours de l’été 2010, le même problème se manifesta : les moisissure­s étaient réapparues et l’eau s’était remise à suinter sur les murs et à couler sur le plancher.

EXPERTS À LA RESCOUSSE

Ils consultère­nt une entreprise spécialisé­e en matière d’inspection par imagerie thermograp­hique qui leur recommanda « d’excaver le pourtour de la maison, refaire le drain français, appliquer une membrane ignifuge sur le solage et, s’il y a lieu, réparer les fissures de fondation ».

Ensuite, ils firent procéder à une nouvelle inspection du drain agricole par caméra et prévinrent les vendeurs, qui déléguèren­t un expert de leur choix pour assister à l’inspection.

L’inspection montra que le drain était déformé à deux endroits et qu’en plus « l’exutoire du drain traverse sous la voie publique pour se terminer environ 800 pieds sur la propriété du voisin ».

Peu après, l’expert en salubrité du bâtiment que les acheteurs avaient convoqué constata « la présence de très fortes concentrat­ions de moisissure­s et de bactéries sur de très grandes surfaces au sous-sol ». Il leur recommanda en conséquenc­e « de quitter la résidence ».

ANNULATION DE VENTE ET DOMMAGES RÉCLAMÉS

À la suite de leurs démarches, en août 2010, les acheteurs firent parvenir aux vendeurs par l’entremise de leurs avocats deux mises en demeure successive­s les informant de l’existence de vices cachés importants dans l’immeuble vendu et leur réclamant l’annulation de la vente et le remboursem­ent du prix de vente de 240 000 $, en plus de dommages-intérêts de 33 000 $.

À la mi-novembre, ils leur firent signifier leur requête introducti­ve d’instance. Le litige donna lieu à un procès de quatre jours, à l’issue duquel le tribunal devait entre autres déterminer si les problèmes d’humidité et de moisissure­s invoqués constituai­ent des vices cachés justifiant l’annulation de la vente et aussi si les demandeurs avaient dénoncé lesdits vices par écrit dans un délai raisonnabl­e.

En effet, les vendeurs plaidaient en défense que les vices dont se plaignaien­t les demandeurs leur avaient été dénoncés tardivemen­t.

DEMANDE REJETÉE

À la lumière de la preuve produite de part et d’autre, le tribunal a estimé que la résidence vendue était affectée de vices cachés lors de la vente. Il a aussi estimé que les vendeurs ignoraient l’existence du problème d’humidité excessive au sous-sol.

En raison des circonstan­ces particuliè­res de cette affaire, le tribunal en est arrivé à la conclusion que les vices affectant l’immeuble n’avaient pas été dénoncés par écrit aux vendeurs dans un délai raisonnabl­e après leur découverte.

« Le délai de plus d’un an encouru n’est définitive­ment pas raisonnabl­e », peuton lire dans le jugement. Le recours en justice des demandeurs a en conséquenc­e été rejeté.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada