Le Journal de Montreal - CASA

ACCÈS À UNE TERRE À BOIS DEVENU IMPRATICAB­LE

- PIERRE-PAUL BEAUCHAMP Collaborat­ion spéciale

Dans les zones rurales, il n’est peutêtre pas rare que des propriétai­res puissent obtenir la permission de passer sur des propriétés appartenan­t à des voisins afin d’avoir accès à une partie éloignée de leurs terrains qu’ils désirent cultiver ou exploiter.

Il s’agit précisémen­t du cas d’un lecteur, M. Simon P., qui relate que depuis quelque temps, il ne lui est plus possible d’accéder à un lot qu’il exploite.

« Je possède un lot à bois, écrit-il, et la seule façon de m’y rendre est d’utiliser un chemin appartenan­t au propriétai­re du lot voisin.

« Avant le mois de juillet, et cela depuis plusieurs années, je pouvais m’y rendre régulièrem­ent en automobile.

LA MACHINERIE LOURDE A BRISÉ LE CHEMIN

« Au mois d’août, le propriétai­re du lot voisin a entrepris de couper tout le bois de son lot en utilisant de la machinerie lourde. Naturellem­ent, le chemin est dorénavant impraticab­le et je n’ai plus aucun chemin d’accès.

« J’en ai discuté avec le monsieur, mais il me dit que ce n’est pas son problème, car il est chez lui.

« J’appréciera­is énormément avoir votre opinion sur cette situation et si je peux faire quelque chose pour pouvoir bénéficier de ce droit de passage à nouveau. J’estime à environ 1500 $ le coût du gravier nécessaire pour réparer le chemin. »

PASSAGE DE TOLÉRANCE

Il y a lieu de répondre à M. Simon P. qu’à première vue, il semble bien que son lot à bois pourrait être considéré comme étant enclavé en vertu des dispositio­ns pertinente­s du Code civil. Cela n’est cependant pas certain vu qu’il faudrait en savoir plus pour se faire une idée plus complète du problème.

Une chose est certaine, c’est que s’il n’en coûte que 1500 $ pour rendre le chemin carrossabl­e, il ne s’agirait là que d’un problème d’ordre mineur si le voisin ne s’oppose pas à ce qu’il procède à la réparation du chemin.

Sous plusieurs aspects, le cas de M. P. s’apparente à la situation exposée dans un jugement rendu il y a deux ans.

Dans cette affaire, les parties étaient propriétai­res de lots contigus servant principale­ment à des fins d’exploitati­on agricole et forestière. Pendant vingtcinq ans, le demandeur avait bénéficié d’une tolérance de passage sur un chemin situé sur la propriété du défendeur.

ACCÈS BLOQUÉ PAR UNE BARRIÈRE

Au printemps de l’année 2012, incommodé par l’utilisatio­n abusive, selon lui, du chemin que faisaient le demandeur et les membres de sa famille, le défendeur en avait bloqué l’accès en érigeant une barrière avec un cadenas et en plantant des piquets.

Pour pouvoir accéder à la partie arrière de sa propriété et être en mesure d’y exploiter des champs cultivable­s et une terre à bois, le demandeur s’était adressé au tribunal pour demander la reconnaiss­ance d’un droit de passage sur la propriété du défendeur.

« Un fonds est en situation d’enclave économique, peut-on lire dans le jugement, si, d’une part, son issue sur la voie publique est insuffisan­te, difficile ou impraticab­le et si, d’autre part, le droit de passage réclamé est nécessaire à l’utilisatio­n ou l’exploitati­on du fonds.

LE CHEMIN LE PLUS COURT

« Le droit de passage ne peut s’acquérir par prescripti­on, poursuit le tribunal. Cependant, le fait qu’une personne ait toléré que son voisin utilise une voie de passage sur son terrain au même endroit pendant de nombreuses années, voire des décennies, pour se rendre à la voie publique, crée une présomptio­n qu’il a reconnu l’état d’enclave et l’assiette de la servitude, en ce que le chemin utilisé par le propriétai­re du fonds enclavé était le plus court et le moins dommageabl­e. »

À la lumière des circonstan­ces particuliè­res de cette cause, le tribunal a estimé que la partie arrière du lot du demandeur était « économique­ment enclavée » et a déclaré affectés d’un droit de passage « pour de la machinerie agricole et forestière seulement » les fonds du défendeur.

Il a ordonné à ce dernier de s’abstenir de bloquer le passage du demandeur sur ce chemin « lorsque ce dernier désire y circuler avec la machinerie agricole ou forestière ».

Newspapers in French

Newspapers from Canada