ACCÈS À UNE TERRE À BOIS DEVENU IMPRATICABLE
Dans les zones rurales, il n’est peutêtre pas rare que des propriétaires puissent obtenir la permission de passer sur des propriétés appartenant à des voisins afin d’avoir accès à une partie éloignée de leurs terrains qu’ils désirent cultiver ou exploiter.
Il s’agit précisément du cas d’un lecteur, M. Simon P., qui relate que depuis quelque temps, il ne lui est plus possible d’accéder à un lot qu’il exploite.
« Je possède un lot à bois, écrit-il, et la seule façon de m’y rendre est d’utiliser un chemin appartenant au propriétaire du lot voisin.
« Avant le mois de juillet, et cela depuis plusieurs années, je pouvais m’y rendre régulièrement en automobile.
LA MACHINERIE LOURDE A BRISÉ LE CHEMIN
« Au mois d’août, le propriétaire du lot voisin a entrepris de couper tout le bois de son lot en utilisant de la machinerie lourde. Naturellement, le chemin est dorénavant impraticable et je n’ai plus aucun chemin d’accès.
« J’en ai discuté avec le monsieur, mais il me dit que ce n’est pas son problème, car il est chez lui.
« J’apprécierais énormément avoir votre opinion sur cette situation et si je peux faire quelque chose pour pouvoir bénéficier de ce droit de passage à nouveau. J’estime à environ 1500 $ le coût du gravier nécessaire pour réparer le chemin. »
PASSAGE DE TOLÉRANCE
Il y a lieu de répondre à M. Simon P. qu’à première vue, il semble bien que son lot à bois pourrait être considéré comme étant enclavé en vertu des dispositions pertinentes du Code civil. Cela n’est cependant pas certain vu qu’il faudrait en savoir plus pour se faire une idée plus complète du problème.
Une chose est certaine, c’est que s’il n’en coûte que 1500 $ pour rendre le chemin carrossable, il ne s’agirait là que d’un problème d’ordre mineur si le voisin ne s’oppose pas à ce qu’il procède à la réparation du chemin.
Sous plusieurs aspects, le cas de M. P. s’apparente à la situation exposée dans un jugement rendu il y a deux ans.
Dans cette affaire, les parties étaient propriétaires de lots contigus servant principalement à des fins d’exploitation agricole et forestière. Pendant vingtcinq ans, le demandeur avait bénéficié d’une tolérance de passage sur un chemin situé sur la propriété du défendeur.
ACCÈS BLOQUÉ PAR UNE BARRIÈRE
Au printemps de l’année 2012, incommodé par l’utilisation abusive, selon lui, du chemin que faisaient le demandeur et les membres de sa famille, le défendeur en avait bloqué l’accès en érigeant une barrière avec un cadenas et en plantant des piquets.
Pour pouvoir accéder à la partie arrière de sa propriété et être en mesure d’y exploiter des champs cultivables et une terre à bois, le demandeur s’était adressé au tribunal pour demander la reconnaissance d’un droit de passage sur la propriété du défendeur.
« Un fonds est en situation d’enclave économique, peut-on lire dans le jugement, si, d’une part, son issue sur la voie publique est insuffisante, difficile ou impraticable et si, d’autre part, le droit de passage réclamé est nécessaire à l’utilisation ou l’exploitation du fonds.
LE CHEMIN LE PLUS COURT
« Le droit de passage ne peut s’acquérir par prescription, poursuit le tribunal. Cependant, le fait qu’une personne ait toléré que son voisin utilise une voie de passage sur son terrain au même endroit pendant de nombreuses années, voire des décennies, pour se rendre à la voie publique, crée une présomption qu’il a reconnu l’état d’enclave et l’assiette de la servitude, en ce que le chemin utilisé par le propriétaire du fonds enclavé était le plus court et le moins dommageable. »
À la lumière des circonstances particulières de cette cause, le tribunal a estimé que la partie arrière du lot du demandeur était « économiquement enclavée » et a déclaré affectés d’un droit de passage « pour de la machinerie agricole et forestière seulement » les fonds du défendeur.
Il a ordonné à ce dernier de s’abstenir de bloquer le passage du demandeur sur ce chemin « lorsque ce dernier désire y circuler avec la machinerie agricole ou forestière ».