Mythes et réalités du ménage
« La propriété, énonce notamment le Code civil, est le droit d’user, de jouir et de disposer librement et complètement d’un bien, sous réserve des limites et des conditions d’exercice fixées par la loi. »
En ce qui concerne les limites fixées pour la propriété immobilière, le législateur a prévu que « les fonds inférieurs sont assujettis, envers ceux qui sont plus élevés, à recevoir les eaux qui en découlent naturellement ».
Le Code civil stipule notamment que « le propriétaire du fonds inférieur ne peut élever aucun ouvrage qui empêche cet écoulement ». Pour sa part, le propriétaire du fonds supérieur « ne peut aggraver la situation du fonds inférieur ».
ÉLÈVEMENT DU NIVEAU
Selon le Code, ce propriétaire n’est pas présumé aggraver la situation du fonds inférieur « s’il effectue des travaux pour conduire plus commodément les eaux à leur pente naturelle, ou si, son fonds étant voué à l’agriculture, il exécute des travaux de drainage ».
Un examen sommaire de la jurisprudence sur cette question permet d’observer que, fréquemment, des conflits peuvent survenir entre propriétaires de fonds voisins, lorsque celui du fonds supérieur entreprend des travaux de terrassement ayant pour conséquence d’augmenter le niveau de son fonds.
« LA TERRE EST DÉTREMPÉE »
Une lectrice, Mme Irène F., nous mentionne à ce propos que son voisin s’est construit à environ trente-six pouces de la ligne de division et qu’il a haussé son terrain d’un pied de hauteur.
« Puis, écrit-elle, il a placé ses deux gouttières, qui rejettent l’eau directement sur notre terrain. Résultat : notre terrain s’affaisse tous les ans, il n’y a plus de pelouse, seulement de la mousse, car la terre est détrempée en permanence. »
« Nous aimerions savoir s’il existe des recours pour régler cette situation, car notre voisin ne nous parle pas et il ignore totalement le voisinage. »
APPORT D’EAU ADDITIONNEL
Un arrêt récent porte sur une situation analogue à celle que décrit Mme Irène F. Il y est question d’un litige entre voisins afférent à l’écoulement des eaux.
Selon les faits qui y sont relatés, les parties sont propriétaires, en zone urbaine, d’immeubles contigus dans une rue en pente.
La demanderesse, propriétaire du fonds inférieur, reprochait à la défenderesse d’avoir fait exécuter sur fonds supérieur des travaux qui auraient changé l’écoulement naturel des eaux « et entraîné un apport d’eau additionnel sur son terrain ».
Craignant que cet apport d’eau additionnel ne recrée des dommages à sa résidence et à son terrain, elle s’était adressée au tribunal pour qu’il soit ordonné à sa voisine d’exécuter des travaux requis pour que les eaux de surface cessent d’être dirigées vers son terrain.
PREUVE INSUFFISANTE
La demanderesse avait fait état de deux accumulations importantes d’eau sur son terrain deux ans auparavant. L’eau s’était infiltrée dans le sous-sol de sa maison par le biais d’une fenêtre.
Cependant, la preuve faite au procès et, en particulier, le témoignage de l’expert de la défenderesse ont conduit le tribunal à considérer que la demanderesse n’avait pas établi, selon la prépondérance de la preuve, que les travaux faits par sa voisine avaient modifié l’écoulement naturel des eaux de surface en provenance de son fonds.
GAIN DE CAUSE
Dans une autre cause récente de même nature, la demanderesse a, au contraire, obtenu gain de cause en démontrant qu’à cause de travaux de ses voisins elle avait subi « un préjudice d’agrément », ayant été privée de l’utilisation d’une partie de son terrain pendant de nombreux mois à la suite d’un déversement d’eau supplémentaire.
Le tribunal a accédé à sa requête en injonction et ordonné aux voisins, à leur choix, de mettre en place sur leur propriété soit un fossé soit un réseau de drains de surface, afin de capter les eaux et les acheminer vers la rue.
Les voisins ont aussi été condamnés à verser une somme de 3000 $ à la demanderesse à titre de dommages compensatoires.
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