Un mode de vie rassembleur
Maisons intergénérations
La crise de la COVID-19 a particulièrement touché les CHSLD et de plus en plus de Québécois craignent d’y passer leurs vieux jours. Or, la maison intergénérationnelle peut faire office de solution de rechange aux foyers pour aînés. On discute de ce modèle de propriété avec quatre personnes qui ont fait le choix d’y vivre avec les leurs.
Gilles Boisvert habite dans la demeure où il a grandi, une ancienne école de rang de SaintAntoine-de-Tilly sur la Rive-Sud de Québec. Ce bâtiment de 1865 a été reconverti en maison il y a déjà fort longtemps.
« Quand l’école de rang a fermé, c’est mon arrière-grand-père qui l’a achetée avant de la léguer à mon grand-père, puis ma mère l’a achetée de lui. Moi, je l’ai achetée de ma mère en 2006. »
Actuellement, la mère et le père de ce jeune retraité vivent dans la section principale, tandis que sa soeur réside au sous-sol de cette même partie. Gilles, pour sa part, occupe la cuisine d’été avec son conjoint. Une annexe construite en 2000.
« Pour la dimension [de la rallonge], on a vraiment exploité le maximum qu’on pouvait prendre en vertu des règlements municipaux, par rapport à la grandeur du terrain et aux bâtiments qui étaient déjà là, l’atelier et le cabanon. C’est pour ça qu’on n’a pas pu faire plus grand que 20 pieds sur 20 pieds. »
Les règlements d’aménagement pour les maisons intergénérationnelles varient d’une ville à l’autre, mais plusieurs modèles sont possibles, selon les besoins des familles. Il est possible de faire de tels logis sans agrandissement, tout simplement en réaménageant l’espace.
QUI PREND MARI PREND… LOGIS !
Quand Stéphanie Bourgault a rencontré son amoureux il y a quatre ans et demi, la trentenaire de Saint-Hubert était loin de se douter qu’elle vivrait sous le même toit que ses beaux- parents.
« Je n’ai pas choisi cette maisonlà, je suis arrivée dans cette relation-là et c’était déjà existant. Au début, ils y étaient installés depuis seulement six mois. »
« C’était une façon pour tout le monde de s’entraider parce que c’est tellement rendu cher les maisons ! Mon chum, ça lui permettait d’accéder à la propriété plus rapidement. »
À l’instar de Stéphanie, la Terrebonnienne Annie Clavette s’est elle aussi vu imposer une cohabitation avec les parents de l’homme qu’elle aime. Ses deux frères et sa soeur atteints d’un handicap intellectuel étaient également dans le portrait.
« Ça fait 19 ans qu’on est ensemble mon mari et moi. […] Il m’a toujours dit : “Si jamais il arrive quelque chose à mes parents, sache que je vais toujours m’occuper de mes frères et ma soeur”. »
Aujourd’hui, seul l’un des frères est toujours de ce monde et il vit encore avec le couple ainsi que leurs enfants. Le père d’Annie est venu les rejoindre dans une section spécialement aménagée de ce qui était anciennement un garage.
Trois unités existent donc dans cette maison que la femme de 44 ans décrit comme « évolutive ».
UN CONFINEMENT MOINS PÉNIBLE
Éric Larose est père de triplets et il réside dans sa maison intergénérationnelle de Barraute, en Abitibi, depuis six ans. Ses trois fils ayant quitté le nid familial, l’homme de 51 ans se concentre désormais sur le bien-être de ses beaux-parents.
« Si on veut partager un repas ou si quelqu’un est malade, cette vie en commun est très facilitante. »
« Pendant la période de confinement, c’était moins compliqué parce qu’ils étaient juste à côté. On pouvait aller chercher l’épicerie pour eux, faire leurs commissions. On a trouvé que c’était beaucoup plus simple. »
« Si on veut partager un repas ou si quelqu’un est malade, cette vie en commun est très facilitante. »
Les maisons intergénérationnelles ne sont, dans les faits, pas nées de la dernière pluie. Des familles de citadins partagent des duplex depuis longtemps et des clans ont vécu côte à côte des siècles durant dans le même rang.
Selon le professeur Sébastien Lord, qui enseigne à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage à l’Université de Montréal, la maison intergénérationnelle actuelle a tout du retour dans le temps. Ce qui est relativement nouveau, c’est de voir apparaître ce genre de résidences en banlieue.
« Avec les villes modernes qui se sont construites après les noyaux villageois, on a perdu une dimension intergénérationnelle qu’on essaie de rattraper en faisant évoluer de vieux règlements qui n’ont pas changé depuis les années 1950, 1960. »
À Québec, par exemple, certaines maisons intergénérationnelles fraîchement construites ou rénovées peuvent s’avérer désuètes lorsque la personne qui y résidait est placée dans un CHSLD ou décède.
« Dans les cas où le deuxième logement est autorisé de façon générale par le règlement de zonage, il est possible de louer le logement à un tiers. »
« Cependant, dans le cas des logements autorisés par l’article 181 [les conditions entourant l’ajout d’un logement supplémentaire associé à un logement, NDLR], il ne peut être loué qu’à un membre de la parenté, ou devra être démantelé », détaille la porteparole de la Ville de Québec, RoseMarie Ayotte.
Lorsqu’une telle loi s’applique, l’argent dépensé pour transformer une demeure unifamiliale en maison intergénérationnelle peut s’avérer vain.
« Si ça coûte cher pour 15 ou 20 ans maximum, c’est une chose, mais si on ne peut plus louer après, l’investissement est encore moins rentable », met en garde Sébastien Lord.
« C’est une façon de venir contrôler un peu l’impact pour éviter que les quartiers de propriétaires se transforment en quartiers avec beaucoup de locataires, avec des étudiants qui font du bruit, qui font des partys. Après, l’image que les gens ont des locataires n’est pas nécessairement représentative… »
DES CONTRAINTES D’AMÉNAGEMENT
Si la Ville de Québec opte pour une série de règles uniformes tant pour La Cité-Limoilou que pour Charlesbourg, les arrondissements de Montréal et de Longueuil y vont de leurs propres spécificités.
Dans le Vieux-Longueuil, par exemple, le second logement d’une habitation bifamiliale ne peut occuper que le rez-de-chaussée et ne doit pas dépasser 45 % de la superficie totale de l’édifice.
À Greenfield Park, on pousse la note encore plus loin. Le règlement de zonage ordonne que « le second logement doit être démoli lorsque l’occupant du second logement cesse d’occuper les lieux ». Il y est aussi stipulé qu’une seule adresse municipale n’est autorisée par bâtiment.
« Il y a une pression sur les municipalités au Québec pour assouplir leurs réglementations », résume Sébastien Lord.
« Les villes ont des politiques comme “Villes Amies des Aînés” qui concernent beaucoup le transport et les loisirs, mais l’habitat et l’offre résidentielle devraient aussi en faire partie. »
Poussé par le confinement et la perspective d’une seconde vague d’éclosion du virus, notre lecteur souhaite que lui et ses parents demeurent dans la même maison, mais dans des logements séparés.
FAIRE UN EMPREINT
Aux yeux des prêteurs, le mécanisme de financement d’une maison multigénérationnelle est équivalent au financement d’une maison unifamiliale. Les taux d’intérêt et les critères d’obtention demeurent les mêmes et le prêt vous est accordé selon votre dossier de crédit, la valeur de la maison ainsi que vos capacités de paiement.
La seule particularité est que vous avez la possibilité de partager la responsabilité du financement hypothécaire entre plusieurs générations de propriétaires. Mais vous n’y êtes pas obligé. Voici les deux options qui s’offrent à vous.