Le Journal de Montreal - Weekend

LEÇON DE VIE DE GLENN CLOSE AU MASCULIN

se métamorpho­se EN HOMME

- Mark Daniell Agence QMI

Une des premières choses que font les acteurs d’hollywood, lorsqu’ils connaissen­t du succès, est de s’attarder à un projet qui les passionne personnell­ement. Après avoir incarné une première fois au théâtre, il y a une trentaine d’années de cela, une femme qui se fait passer pour unmajordom­e masculin, l’actrice Glenn Close a caressé ensuite le rêve de transposer son rôle dans Albert Nobbs au grand écran.

« Ça a été, sans aucun doute, mon rôle le plus difficile », a dit l’actrice après la première du film, l’automne dernier, au Festival internatio­nal du film de Toronto.

« Ce personnage ne m’a jamais quittée et la résonance que j’avais sentie dans l’auditoire, chaque soir, était phénoménal­e. »

Mais à la suite de ce rôle sur scène, en 1982, Close a enfilé des rôles bien en vue à l'écran, incarnant entre autres l’amante déboutée dans Attraction fatale, une aristocrat­e blasée dans Liaisons dangereuse­s, la malfaisant­e Cruella de Ville dans 101 Dalmatiens, et l’impitoyabl­e Patty Hewes dans la série télévisée Dommages et intérêts.

TOUCHER LES GENS

Malgré cela, l’actrice a continué de réfléchir au caractère universel d’albert Nobbs, inspiré d’une histoire écrite au 19e siècle par l’auteur irlandais George Moore.

« J’ai ressenti, profondéme­nt, l’étrange puissance de l’histoire », a dit Close, en décrivant les efforts du majordome pour se créer une vie, pour elle-même, dans un monde dominé par les hommes. « Et j’ai toujours cru qu’un film, abordé avec une vision pertinente, saurait aussi toucher les gens. »

Dans Albert Nobbs, elle se fait passer pour un homme afin de survivre. Son personnage se lie d’amitié avec une domestique (Mia Wasikowska), et elle vit une vie plutôt discrète, jusqu’à sa rencontre avec une peintre (l’étonnante Janet Mcteer), une femme qui cache également un secret surprenant.

Bien vite, Albert rêve d’un avenir autonome qui, peut-être, lui permettra enfin de connaître un peu de bonheur, après avoir vécu pendant des dizaines d’années sous le couvert du mensonge.

Perchée sur le bras d’une causeuse, vêtue de jeans moulants et n’accusant nullement ses 64 ans, Close a admis sa crainte de ne pouvoir rendre adéquateme­nt le caractère androgyne d’albert.

« C’était difficile d’être convaincan­te », dit-elle. Je me rendais dans le bureau de quelqu’un et on disait, “elle est un homme” ? »

Lorsqu’elle a vu la possibilit­é de matérialis­er le rôle à l’écran, l’actrice cinq fois nommée aux Oscars a dit au réalisateu­r Rodrigo Garcia, « J’ai besoin de me prouver que je suis encore capable de faire ça. »

EN SANGLOTS

La première fois qu’elle s’est vue maquillée en homme, l’actrice s’est effondrée.

« J’ai éclaté en sanglots en me voyant, a dit Close, sérieuse, en fixant sa tasse de thé. Ce n’était plus moi. »

En plus de produire le film et d’y tenir la vedette, Close en a co-écrit le scénario avec Gabriella Prekop. Elle a même pensé s’occuper également de la réalisatio­n, mais elle a fini par s’en remettre aux soins de Garcia, avec qui elle avait connu une excellente expérience de collaborat­ion lors du tournage des films Nine Lives et Tout ce qu’on peut apprendre d’une femme.

« Le temps nous était compté et j’avais déjà tant à faire, dit-elle en souriant. Mais c’était presque comme une co-réalisatio­n... Il m’a dit ; “je veux faire ton film.” »

Le plus gros défi, se remémore-t-elle, consistait à se préparer à être de presque toutes les scènes.

« Sur les planches, tout est une prise grand-angle, alors qu’au cinéma, le film vient vous chercher de bien plus près, jusque dans l’âme. Ça, c’est tout un défi. »

De vieux vêtements trop amples ont été retenus pour accentuer le manque d’aisance sociale d’albert, a dit Close. Entrer dans le personnage « J’ai regardé plusieurs films de Charlie Chaplin, parce je voyais en Albert un comique tragique », dit Close en souriant de toutes ses dents. « Elle est une sorte de clown cosmique ; mes souliers sont trop grands, mes pantalons trop longs, et il a toujours fallu s’assurer que je portais un col assez haut pour cacher son absence de pomme d’adam. »

Close a travaillé intensivem­ent avec le maquilleur spécialist­e en effets spéciaux Matthew Mungle, pour compléter sa métamorpho­se.

Elle a montré à Mungle une photo, dans le magazine National Geographic, d’une femme jurant être restée vierge et qui a vécu toute sa vie en se faisant passer pour un homme.

« J’étais fascinée par ce que son visage était devenu et je voulais doter le personnage d’albert de cette même expression », dit-elle.

Il était important que l’auditoire puisse croire qu’albert a pu vivre pendant des décennies dans la peau d’un homme, parce que le rêve et l’identifica­tion au bonheur personnel sont des thèmes universels.

« Je connaissai­s l’étrange pouvoir de cette histoire », rappelle Close doucement. « Il y a quelque chose de particulie­r, dans cet étrange personnage, qui déclenche chez plusieurs gens de profondes pulsions introspect­ives. » Albert Nobbs sort en salle le vendredi 3 février.

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ALBERT NOBBS
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