Le Journal de Montreal - Weekend
UN RARE POLAR QUÉBÉCOIS
Film de Gabriel Pelletier Avec Pierre-françois Legendre, Brigitte Pogonat, Stéphanie Lapointe, Pascale Bussières, Normand D’amour et Paul Doucet.
Les suspenses sont une forme rare de long métrage au Québec. Gabriel Pelletier, qui avait dépoussiéré les comédies d’horreur avec ses films Karmina, parvient avec La peur de l’eau à capter notre attention jusqu’à la toute fin du film.
Jusqu’à la dernière minute, il est impossible de deviner l’assassin de la jeune Rosalie (Stéphanie Lapointe), trouvée morte et violée au bas d’une falaise des Îles-dela-madeleine. Le but d’un polar étant d’inciter le spectateur à chercher inlassablement à résoudre l’énigme, sans y parvenir, on peut dire que La peur de l’eau est réussi.
Au départ, il faut admettre qu’on a des doutes sur la crédibilité des personnages. Les deux principaux protagonistes, Pierre-françois Legendre, dans la peau de l’agent André Surprenant, et sa coéquipière Geneviève Savoie (Brigitte Pogonat) sont présentés comme deux timides, manquant d’assurance, à la limite de la maladresse, ce qui est loin d’être la règle dans le milieu policier.
Puis débarque le sergent-détective Gingras, interprété par Normand D’amour, venu de Montréal pour clore rapidement le dossier, un être prétentieux, un gros ego des hautes sphères de l’enquête, peut-être trop gros pour y croire vraiment.
Mais heureusement, les affaires se placent à mesure que le scénario avance. Les deux timides policiers démontrent peu à peu leurs capacités et leur caractère. Surprenant s’avère tenace et astucieux. Geneviève montre qu’elle sait se fâcher — au même moment où elle... enlève les broches dans sa bouche — et Gingras finit par écouter les autres. Alors, on se laisse prendre par le jeu des personnages.
SURPRISE
Pierre-françois Legendre, qu’on a adoré dans son rôle d’ado attardé dans Les Invincibles, réussit à faire oublier Carlos dans la peau de ce père d’une ado de quinze ans. Il défend très bien son premier « rôle d’adulte ». Il réussit même sa propre cascade, plongé dans l’eau glacée de la mer, attaché par un câble à la traîne d’un bateau.
Les scènes en rétrospective où on découvre Stéphanie Lapointe, dans le rôle de la jeune Rosalie, une fille instable et déchirée, s’ajoutent au récit. Pour un de ses premiers rôles au cinéma, la jeune actrice est vraiment excellente.
On est loin des battements de coeur provoqués par un autre rare suspense québécois réalisé par Jean-marc Vallée à la fin des années 1990, Liste noire, mais La peur de l’eau sait toutefois nous garder en haleine jusqu’au bout. Et surprise, à la fin du film, on n’avait pas deviné qui a fait le coup, même si c’est plausible.
Tourné dans la région bucolique des Îles-de-la-madeleine, La peur de l’eau se déroule souvent en extérieur et Gabriel Pelletier nous fait découvrir les Îles autrement, non pas celles des touristes, mais celles dramatiques des vents et marées. Le cocktail d’intempéries servi à l’équipe de tournage aura été bénéfique puisqu’il apporte un superbe aspect noir naturel au scénario.
La peur de l'eau est l'adaptation du roman On finit toujours par payer de Jean Lemieux.