Le Journal de Montreal - Weekend
ÉRIC BERNIER, LA TENDRESSE D’UN HOMME MALHEUREUX
C’est la pièce Vigile (ou Le veilleur), de l’auteur à succès canadien Morris Panych, qui sera à l’affiche prochainement au Théâtre du Rideau Vert, en première mondiale francophone. L’histoire dramatique teintée de cynisme, dont les principaux thèmes sont la solitude et la mort a été produite à plusieurs reprises en anglais. C’est Éric Bernier et Kim Yaroshevskaya qui nous font prendre conscience de divers enjeux fondamentaux, dans une mise en scène de Martin Faucher.
C’est l’histoire de Kemp, campé par Éric Bernier, un homme dans la quarantaine, atterré par les échecs de sa vie. Il vit dans la solitude, il est malheureux. Employé d’une banque, Kemp mène une vie terne. Il ne parle à personne. Enfant, il n’a pas été aimé, ni désiré, personne n’a veillé sur lui. Ses parents, qui étaient dysfonctionnels, ne lui ont pas fait de cadeaux. Son père était maniacodépressif, alors que sa mère pour sa part, était alcoolique. Elle voulait une fille au point qu’elle allait jusqu’à habiller son fils, en fille. Il a grandi dans un pensionnat et a été élevé par des soeurs. Sa vie est une succession d’échecs.
Un jour, il recevra une lettre de sa tante Grace, personnifiée par l’actrice Kim Yaroshevskaya, qui le réclame à son chevet, elle est sur le point de mourir. Kemp laissera son emploi, pliera bagage et partira s’installer chez sa vieille tante.
« La pièce se joue sur plusieurs registres. Il s’agit d’humour noir, de cynisme et c’est à la fois une histoire tendre et humaine », précise Éric Bernier « Il y a inévitablement des aspects troublants à cette pièce. » Kemp est un personnage mitigé. « D’une part, il ne veut pas que sa tante demeure seule en attendant la mort, il veut vraiment l’aider et par ailleurs, il veut la voir mourir rapidement, » raconte l’acteur. Pourtant, cette tante, Kemp ne l’a vu qu’une seule fois, quelques minutes seulement, alors qu’il avait 13 ans. Néanmoins, il quitte tout pour
rejoindre et aider cette femme.
UN ASPECT HUMORISTIQUE DANS LE DRAME
Selon Éric Bernier, la pièce, même si elle est dramatique, est aussi très drôle. « L’auteur, Morris Panych, a un sens du comique incroyable. Le tempérament de Kemp est tellement inadéquat pour aider sa tante. Les gaffes se multiplient et plusieurs situations deviendront co- casses », souligne l’acteur. « Il dit des choses complètement incongrues à sa tante qui est sur le point de mourir, comme s’il n’avait aucune sensibilité. Il y a de l’autodérision ainsi que de l’humour noir. Ce sera dans les diverses tentatives de voir sa tante mourir, que l’on retrouvera l’aspect plus drôle du spectacle, même s’il s’agit d’humour très grinçant. » Selon lui, sa façon d’agir s’explique en raison de sa vie désolante. « Il veut voir mourir sa tante, alors tous les moyens seront bons afin de hâter la mort de celle-ci », révèle le metteur en scène Martin Faucher. À mesure que la pièce avance, on nous assure qu’on comprendra pourquoi Kemp est si maladroit et on découvrira toute la détresse qui l’habite. « En côtoyant quelqu’un qu’on ne connaît pas, des zones d’ombres et de mystères vont se tisser entre les deux personnages », explique Martin Faucher.