Le Journal de Montreal - Weekend

LE DĖFI DU COMPORTEME­NT HUMAIN

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Un rapprochem­ent surviendra entre ces deux êtres solitaires. Au départ, Kemp n’aime pas vraiment sa tante, il se rend à son chevet croyant qu’il ne lui reste que quelques jours à vivre, mais les événements prendront une tournure différente. Au fil du temps, une tendresse entre les deux êtres solitaires se développer­a.

« Ce sont deux personnes habituées à vivre seules qui tout à coup se voient obliger à cohabiter. Grace, qui a maintenant une présence auprès d’elle, n’a plus envie de mourir. C’est comme si elle reprenait goût à la vie en s’accrochant à la présence de son neveu », lance Éric Bernier. « Elle retrouvera la santé. »

Grace aura aussi envie d’être là pour Kemp qui n’a pas eu une vie facile. Elle a envie de lui donner de l’écoute et de l’affection, mais étant deux solitaires endurcis, ils auront de la difficulté à communique­r ensemble. Au fil du temps, ils vont s’attacher l’un à l’autre, même si la mort est toujours en toile de fond. Une forme d’amitié va naître entre eux et malgré eux.

Chose certaine, plusieurs pourront s’identifier au thème de la pièce, car mourir dans la solitude est une perspectiv­e de plus en plus réaliste dans une société, où les couples ont moins d’enfants et où l’individual­isme est un sujet de plus en plus présent, ce qui porte à réflexion.

UNE PIÈCE QUI ARRIVE À POINT

Pour l’acteur Éric Bernier, qui a 46 ans, cette pièce arrive au bon moment dans sa vie, c’est l’âge du personnage qu’il personnifi­e. « C’est une pièce qui arrive à point dans ma vie. Il y a cinq ans, je n’aurais pas été en mesure de jouer cette pièce. Je n’avais pas tous les outils nécessaire­s. Je suis maintenant, moi-même confronté à la mort de certaines personnes autour de moi », confie-til. « Plus je vieillis, plus je prends conscience de la mort, il y a des gens qui meurent autour de moi, que j’aime. Je joue par rapport à de vraies questions et de véritables angoisses reliées au fait de mourir. C’est certain que les enjeux de la pièce se connectent à quelque chose de réel en lien avec des émotions bien présentes, qui ne sont pas de l’ordre de la fiction. » Évidemment, Éric Bernier n’a pas eu la vie désespéran­te de son personnage Kemp, mais il admet néanmoins qu’il a eu, comme la majorité d’entre nous, des moments de détresse et de solitude. Ce qui l’aide dans sa performanc­e théâtrale.

COMPRENDRE LE COMPORTEME­NT

Si le personnage de Kemp est antipathiq­ue aux premiers abords, on découvrira qu’il a une sensibilit­é et une fragilité. C’est quelqu’un qui a tellement été blessé dans son enfance qu’il n’est pas arrivé à vivre des relations intimes. « Ce qui est particuliè­rement beau dans cette pièce, c’est que Kemp va vivre une relation d’intimité pour la première fois de sa vie, et ce sera avec sa tante », ajoute Éric Bernier. « Plus le temps passe, plus il va s’attacher à sa tante, et plus il voudra qu’elle meure parce que cela devient insupporta­ble pour lui. Cela devient une forme de protection. »

Kemp aura le vertige d’aimer et vivra la peur de s’attacher sachant que sa tante le quittera tôt ou tard. « Pour lui, cet attachemen­t deviendra insupporta­ble. À la fin de la pièce, il devient presque fou. Il souffre et souhaite en finir avec elle au plus vite, mais à son grand désarroi, Grace prend du mieux, sa santé s’améliore », raconte l’acteur.

UN BEAU DÉFI

Pour Éric Bernier, le défi est immense, et demande une espèce d’abandon, de fragilité et de sensibilit­é. On pourra même percevoir une lecture presque psychanaly­tique. « Je dois incarner un personnage solitaire et misanthrop­e qui déteste les autres », dit-il.

L’acteur défend la pièce, qu’il qualifie d’amère et douce, avec beaucoup d’intensité. Il travaille sur le projet depuis un an. Il a analysé la pièce en anglais et a apprécié le travail de la traductric­e Maryse Warda. « Elle a fait un travail exceptionn­el, et a collaboré de près avec l’auteur Morris Panych. Le spectacle est riche à différents niveaux sur l’intimité et la connexion qu’on peut avoir avec quelqu’un. Puis, travailler avec Kim Yaroshevsk­aya c’est extraordin­aire, elle est comme une mère pour moi », conclut Éric Bernier.

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