Le Journal de Montreal - Weekend

Itinéraire d’un homme trompé

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L’écrivain et critique littéraire Éric Neuhoff revient avec un bref roman qui en dit pourtant long sur la douleur que vit son narrateur, un quinquagén­aire trompé par la femme de sa vie.

Cette rentrée littéraire 2012 commence sous le signe de l’infidélité. Après Virginia et Vita de Christine Orban, dans lequel l’auteure nous racontait la passion amoureuse entre deux femmes mariées, les écrivaines anglaises Virgina Woolf et Vita Sackville-west, et l’infidélité de la narratrice d’à cause d’un baiser de Brigitte Kernel, tiraillée entre sa conjointe qu’elle aime profondéme­nt et un coup de foudre qui l’a complèteme­nt bouleversé­e, voici que le narrateur de Mufle perd ses illusions sur son couple lorsqu’il apprend que sa compagne lui a été infidèle.

Le narrateur, cinquante ans, deux fois divorcé, deux grands enfants, découvre sur le téléphone portable de sa compagne Charlotte, la femme de sa vie croyait-il, un texto incriminan­t: « Thank you my darling for the most wonderful week-end of my life ». Ce message n’était pas de lui évidemment. Un texto et hop! Sa vie amoureuse qui vole en éclats, sa confiance anéantie, son égo blessé et son coeur qui se met à saigner. Le narrateur entre alors dans tous ses états: colère, déception, douleur qui varie d’intensité selon les heures de la journée. « La nuit, il y avait ces pics de douleur. Il se retenait de gémir. Une fièvre aride lui asséchait la gorge. Il se ramassait en chien de fusil. Il avait la sensation de trembler. Une guerre se déchaînait dans son ventre. L’angoisse s’insinuait dans ses veines comme une armée de Vietcongs rampant dans leurs souterrain­s. Charlotte à côté de lui: son odeur l’empêchait de dormir. »

QUELQUE CHOSE DE BRISÉ

Parce que le narrateur, malgré l’infidélité de cette femme fantasque, belle, tapageuse et voyageuse, n’a pas voulu la quitter tout de suite. « Je décidai de continuer à la voir. Je ferais le naïf. Je ferais l’indulgent. Il s’agissait d’une stratégie. Je voulais voir jusqu’où elle irait. Je voulais savoir ce que ça faisait d’être un con. » Prendre la douleur par les cornes. Il commence alors à essuyer ses désillusio­ns, ne se reconnaît plus dans cette histoire et passe ainsi du « je » au « il », essaie en vain de haïr cette femme aussi fort qu’il l’a aimé. Après un tel coup, quelque chose s’est brisé, cassé, ce ne sera plus jamais la même Charlotte qui dormira à côté de lui. De la douleur au dégoût de l’autre, les pensées du narrateur passeront aussi par une certaine violence et une mauvaise foi: « Elle pouvait crever, tiens. Mais non, pourquoi disait-il ça? Il ne lui voulait pas de mal. Il lui souhaitait seulement de finir comme barmaid à temps partiel ou caissière dans un hypermarch­é de banlieue. »

Éric Neuhoff fait traverser son narrateur cocu par toutes les gammes d’émotions. Mufle est un roman court, mais très concentré, qui réussit à dire en à peine deux heures de lecture tout ce que le narrateur peut ressentir. Avec une économie de mots, des phrases imagées et des formulatio­ns bien envoyées (« Un matin, il se réveilla en deuil de son chagrin ».), Éric Neuhoff réussit à mettre des mots sur les dommages collatérau­x de l’infidélité.

 ??  ?? MUFLE D’ÉRIC NEUHOFF Éditions Albin Michel
114 pages Parution au Québec à la mi-février
MUFLE D’ÉRIC NEUHOFF Éditions Albin Michel 114 pages Parution au Québec à la mi-février

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