Le Journal de Montreal - Weekend
CAPSULES TEMPORELLES
Film de Rodrigue Jean.
Avec Danny Brown, Daniel Duhamel, Marie-josée Brisson et Patrick Lavergne.
Avec Épopée – L’état du moment, Rodrigue Jean propose une démarche artistique et sociale qui, non seulement mêle les genres, mais aussi les plates-formes.
Épopée, c’est le dérivé naturel d’hommes à louer, documentaire de 2009 ayant pour sujet les travailleurs masculins du sexe.
Avant de devenir un long métrage présenté en salle, Épopée – L’état du moment était – et est toujours d’ailleurs – un projet s'articulant autour de capsules Web (epopee.me) li- vrées dans une interface dépouillée, efficace et propice au visionnement.
Toxicomanie, prostitution, itinérance et, donc isolement sont des problématiques que l’on aborde. Pas de voix hors champ, pas de présentation, pas de « mise en scène » autour des courts-métrages.
La forme est donc déconcertante parce qu’on y perd ses repères. Où est la part de fiction ? Où est celle de la réalité ?
Les courts-métrages sont clairement identifiés par Rodrigue Jean comme étant des fictions, mais leur réalisme déboussole.
En fait, Épopée – L’état du moment fait penser à ces capsules temporelles enfouies par des générations d’étudiants et qui contiennent des souvenirs d’une époque passée, puisque redécouvertes 20, 30, 40 ou 50 ans plus tard. En visionnant ce long métrage, on a l’impression que le temps s’est figé, que ces hommes appartiennent à des lieux reconnaissables, mais non ancrés dans le réel... tout en étant extrêmement proches. En proposant ces courts-métrages de manière brute, sans aucun enrobage et artifice, Jean laisse le spectateur penser, analyser et comprendre les gestes vus. Du coup, on se sent moins voyeur que témoin d’une réalité méconnue. La forme n’est pas grand public, pas plus qu’elle n’est facile à appréhender. Oui, visionner Épopée – L’état du moment demande un effort et un certain état d’esprit. On salue la démarche artistique et sociale, ainsi que cette vision qui veut que le cinéma se décline sous plusieurs médiums. Chapeau !