Le Journal de Montreal - Weekend

L’art de faire rire les Français

Au fil des dernières années, voire décennies, plusieurs humoristes québécois ont tenté leur chance en France. Bien peu ont réussi. Stéphane Rousseau est l’un des rares « chanceux » à avoir percé le difficile marché de l’humour français. Le défi est de tai

- Raphaël Gendron-martin Le Journal de Montréal

Dans quelques semaines, Stéphane Rousseau parcourra la France pour donner les dernières représenta­tions européenne­s des

Confession­s de Stéphane Rousseau. Contrairem­ent à ce qu’on pourrait penser, l’humoriste ne connaît pas le succès en France depuis plusieurs années. Sa carrière a plutôt véritablem­ent pris son envol à la fin de sa dernière tournée. Auparavant, le succès tardait à venir.

« C’est sûr que le show précédent a aidé à me créer une crédibilit­é et une notoriété, dit-il. Mon nouveau spectacle a subi les conséquenc­es du précédent et ç’a été plus vite pour faire les Zénith (des salles de 2 000 places et plus). »

En tournée, est-ce qu’on présente encore l’humoriste comme un Québécois ? « De moins en moins, répond-il. Les gens ont maintenant une bonne idée de qui est Stéphane Rousseau. Mais pour quelqu’un qui ne sait pas trop, de dire que je suis Québécois, ça peut aider. C’est sûr que ça me suit et c’est normal, je suis Québécois ! Mais des fois, c’est le fun de le faire oublier aussi pour décrocher des rôles différents au cinéma ou à la télévision. Après ça, sur scène, j’assume complèteme­nt le fait d’être Québécois et je joue le Québécois sur scène. »

« Tu ne veux pas non plus que ça te freine à avoir des propositio­ns différente­s. De jouer un Français dans un film, c’est super agréable. C’est un vrai défi d’acteur. Tu ne veux pas jouer tout le temps les Québécois de service. Des fois, on ne me prend pas justement parce qu’on pense à mon accent, alors que je peux le gommer ou le cacher. C’est certain que s’ils veulent un Parisien pour un rôle, ils ne penseront pas à moi dans un premier temps. »

DING ET DONG

À force de baigner dans l’humour français et québécois, Stéphane Rousseau mentionne qu’il y a plusieurs différence­s entre les deux cultures. « Il y a encore des gags que je ne comprends pas, ici, admet-il. C’est à cause de nos pères en humour. Les Français n’ont jamais eu Ding et Dong. Cet humour-là, amené par Claude Meunier, nous a donné un ton, nous a transformé­s. Les Français, c’était Coluche. Ils sont plus dans le jeu de mots et la finesse, tandis qu’on est plus dans l’absurde, le déconnage. »

« Ce matin, je faisais une émission et il y a quelques gags qui m’échappaien­t et que je ne comprenais pas. Et des fois, tu lâches une bonne blague et personne ne rit. J’ai souvent fait regarder La petite vie à des Français et ils n’embarquaie­nt pas, mais pas du tout. Pourtant, ils regardaien­t La grande séduc

tion et ils trouvaient ça bien drôle. » « Il y a des époques en humour, poursuitil. Au Québec, on a laissé tomber les costumes, à part quelques exceptions. En France, ça s’est terminé après nous. On n’est pas toujours en même temps sur les sujets. Des fois, ils sont innovateur­s sur certains points et en retard sur d’autres. »

ENCORE EN DÉCALAGE

Même s’il vient fréquemmen­t en France depuis 10 ans, l’humoriste indique aussi avoir encore un petit décalage sur les références culturelle­s, principale­ment lorsqu’il participe à des émissions avec plusieurs invités.

« J’arrive de faire l’émission de Drucker et, à un moment donné, tout le monde rigolait de quelqu’un dont je n’avais aucune idée de qui c’était! C’est dur d’improviser un gag quand tu ne sais pas de qui on parle. »

« Quand je tournais Astérix, souvent je me sentais complèteme­nt mis à part des discussion­s. Les autres essayaient de m’embarquer. « Tu te souviens la chanson ? Non… La Coupe du monde, tu t’en rappelles ? Non… » T’es tout le temps en arrière, c’est difficile. Pourtant, ça fait 10 ans que je viens ici. Ma blonde est française, mon ex l’était aussi et j’ai plein d’amis français. Mais c’est très long avant de réapprendr­e une autre culture. Ça fait cinq fois que je parle d’yvon Deschamps à ma copi- ne et chaque fois, elle me dit : “Ah oui, c’est qui déjà ?” »

LA NOUVELLE GARDE

Présenteme­nt, les trois stars de l’humour québécois, Louis-josé Houde, Martin Matte et Rachid Badouri se trouvent toutes en France, en même temps. Stéphane Rousseau qui est déjà passé par là, mentionne qu’il n’a pas de conseils à donner à ses comparses pour connaître du succès Outre-mer.

« Je pense qu’ils font très bien leur travail. Ils l’ont prouvé pas mal souvent. Ils sont d’un naturel comique, c’est la base du succès, je pense. Michel Drucker me parlait de Louis-josé Houde tout à l’heure, et j’entends souvent parler de Martin Matte et de Rachid Badouri. C’est certain que ça prend un certain temps. Je souhaite que ça leur en prenne moins que moi ! Mais il y a un passage obligé. Tu n’as pas le choix de passer beaucoup de temps sur le terrain. »

« Tu ne peux pas monter rapidement, à moins d’un succès. Ça arrive plus fréquemmen­t en chanson. Quand on regarde un Roch Voisine, il est arrivé avec Hélène et sa vie a changé. En humour, c’est une autre approche. Il faut que les gens t’adoptent. Il m’est arrivé, il y a 10 ans, de faire un succès ici avec mon costume de monsieur muscles. Mais ça ne remplit pas instantané­ment tes salles. Ça demande un peu plus que ça. »

« Martin Matte a un personnage bien campé. Aussitôt que les Français vont embarquer dans sa folie et le connaître, ça devait bien aller. Mais il faut prendre le temps de l’apprivoise­r. Louis-josé Houde est super vif et très dynamique. Après ça, il faudra voir comment il saura bien se faire comprendre, parce qu’il parle tellement vite. Mais je ne suis pas inquiet, ce sont des gars super intelligen­t qui savent s’adapter. À l’époque, les Yvon Deschamps, Daniel Lemire et Claude Meunier débarquaie­nt en France sans changer une virgule. Et ça ne fonctionna­it pas. On ne fait plus ça aujourd’hui. »

 ??  ?? Stéphane Rousseau aime beaucoup sa vie parisienne, même s’il ne peut se passer de revenir au Québec, notamment pour y voir son petit garçon de trois ans. Ici, on voit l’humoriste dans son appartemen­t du 1er arrondisse­ment.
Stéphane Rousseau aime beaucoup sa vie parisienne, même s’il ne peut se passer de revenir au Québec, notamment pour y voir son petit garçon de trois ans. Ici, on voit l’humoriste dans son appartemen­t du 1er arrondisse­ment.
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