Le Journal de Montreal - Weekend

L’UN DES GRANDS FILMS DE L’ANNÉE

We Need to Talk About Kevin

- Isabelle Hontebeyri­e Agence QMI

Film de Lynne Ramsay. Avec Tilda Swinton, Ezra Miller et John C. Reilly.

Respirez. Faites le vide. Maintenant, remémorez-vous les massacres de Polytechni­que, Dawson et Columbine, lors desquels des étudiants ont froidement abattu leurs condiscipl­es.

Maintenant, plutôt que d’imaginer l’état d’esprit du tueur, de penser à sa jeunesse ou au fait qu’il a été un petit garçon, pensez à ses parents. À ce qu’ils vivent au quotidien. Après les faits. Pensez à la mère du tueur.

Voilà ce que propose la réalisatri­ce et scénariste anglaise Lynne Ramsay avec We Need to Talk About Kevin, adaptation du roman du même nom de Lionel Shriver.

Contrairem­ent aux autres récits du genre, ici, la parole est donnée à Eva Khatchadou­rian (Tilda Swinton), la mère de Kevin (Rock Duer, Jasper Newell et Ezra Miller à différents âges et tous excellents). On y suit, à travers des retours en arrière, sa vie depuis la conception de Kevin jusqu’à deux ans après les tragiques événements.

Petit, Kevin montre une absence d’attachemen­t à sa mère très inquiétant­e. Mais Franklin (John C. Reilly), son père, ne semble pas s’en soucier. Plus les années passent, plus la relation entre la mère et son fils devient malsaine, tendue, conflictue­lle...

En parallèle, on assiste aux gestes quotidiens de cette femme brisée, seule. Ses difficulté­s à se trouver un banal travail de secrétaire, son agres- sion par l’une des mères dont l’enfant a été tué par Kevin, le mépris auquel elle fait face de la part de l’ensemble de la communauté, y compris de ses collègues de bureau.

On sent une femme résignée à son sort. À des Témoins de Jéhovah qui viennent sonner à sa porte, elle répond qu’elle sait très bien ce que sera sa vie après la mort : « en enfer... la damnation éternelle ».

D’aucuns pourront reprocher à Lynne Ramsay ses jeux d’images et de musiques. Mais il faut se rappeler que la réalisatri­ce suggère plutôt que de montrer. Cette violence omniprésen­te et rentrée, de même que le parallèle visuel entre les gestes de la mère et les gestes du fils, sont autrement plus efficaces que de longs dialogues.

PAS D’EXPLICATIO­NS TRANCHÉES

Ceux qui cherchent des réponses claires seront déçus. Il ne peut pas, devant l’abominable, y avoir d’explicatio­ns tranchées. La méchanceté pure de Kevin est-elle de l’acquis ou de l’inné ?

We Need to Talk About Kevin est sans conteste l’un des meilleurs films de l’année avec une force de frappe et une puissance comparable – dans un autre genre, bien sûr – à celle d’incendies, de Denis Villeneuve. Oui, Tilda Swinton s’est fait « voler » une nomination aux Oscars et probableme­nt la statuette. La qualité et la profondeur de sa prestation n’ont, à mon avis, pas été égalées par ses consoeurs nommées.

Et je vous quitte sur ces huit mots : allez le voir, ne le manquez surtout pas.

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