Le Journal de Montreal - Weekend
Shakespeare (ré)inventé
La sortie en DVD cette semaine du film Anonyme de Roland Emmerich nous rappelle qu’en plus des multiples adaptations des pièces de Shakespeare, le septième art a souvent fait la part belle à des films librement inspirés des oeuvres de ce dernier, ainsi que d’autres réinventant, de façon romantique ou fantaisiste, la vie du célèbre dramaturge anglais. En voici quelques exemples.
WEST SIDE STORY (1961)
Dans ce chef-d’oeuvre coréalisé par Robert Wise ( La Mélodie du bonheur) et le chorégraphe de Broadway Jerome Robbins, la soeur du chef d’une bande de jeunes New-yorkais d’origine portoricaine s’éprend du meilleur ami du leader d’un gang rival, d’ascendance polonaise. Il s’agit bien sûr d’une adaptation moderne de Roméo et Juliette sous forme de comédie musicale, dont la trame sonore a été composée par le grand Leonard Bernstein. La regrettée Natalie Wood est inoubliable en Juliette de Manhattan.
RAN (1985)
Au Moyen-âge, la décision d’un vieux chef de clan de partager son fief entre ses fils provoque des guerres intestines. Avec des moyens considérables, Akira Kurosawa réalise une adaptation à la japonaise du Roi Lear. Sa transposition est magistrale, se présentant dans une mise en scène énergique et superbement contrôlée. L’interprétation, intelligemment stylisée, est à la hauteur de l’entreprise.
MON IDAHO (1991)
Cette fois, c’est la pièce Henri IV du grand Will qui sert de colonne vertébrale à ce film fascinant et inventif de Gus Van Sant ( Éléphant, Sans répit). Keanu Reeves y incarne le fils du maire de Portland, qui fait les quatre cents coups avec un ami vaurien avant de se ranger et d’intégrer son rang, imitant en cela le futur roi Henri qui, dans sa jeunesse, fraya avec le truculent, mais peu recommandable Falstaff. Dans le rôle principal du prostitué narcoleptique en quête de ses origines, River Phoenix ( Compte sur moi), disparu trop tôt, est tout simplement brillant.
SHAKESPEARE ET JULIETTE (1998)
Bardé d’oscars, ce somptueux film d’époque de John Madden ( L’affaire Rachel Singer) réécrit la jeunesse de Shakespeare en lui faisant vivre une
aventure amoureuse curieusement similaire à celles qu’il a lui- même imaginées dans ses pièces. D’où un spectacle ludique et raffiné, porté par le jeu fébrile de Joseph Fiennes ( Elizabeth) et la performance à la fois gracieuse et enjouée de Gwyneth Paltrow, qui lui a valu la précieuse statuette cette année-là.
10 CHOSES QUE JE DÉTESTE DE TOI (1999)
Cette transposition de La Mégère apprivoisée dans une école secondaire améri- caine vaut surtout pour ses deux vedettes, le ténébreux Heath Ledger (le terrifiant Joker du Chevalier noir de Christopher Nolan), lui aussi mort dans la fleur de l’âge, et la renfrognée Julia Stiles ( La Compagnie des autres), qui s’améliore de film en film. Cela dit, la réalisation de Gil Junger ( Le Chevalier noir, avec Martin Lawrence) ne met guère en valeur un récit somme toute conventionnel, qui a néanmoins touché une corde sensible chez le public adolescent.