Le Journal de Montreal - Weekend

VÉRITÉS IRANIENNES

- Isabelle Hontebeyri­e Agence QMI

Même si le film Une séparation a été autorisé par le régime iranien, le cinéaste Asghar Farhadi livre pourtant un portrait réaliste d’une société où la religion est omniprésen­te.

Gagnant d’un Golden Globe, Une séparation entremêle société, religion et famille en suivant un couple, Nader (Peyman Moadi) et Simin (Leila Hatami). La femme veut divorcer pour pouvoir partir à l’étranger avec leur fille, Temeh (Sarina Farhad, la propre fille du cinéaste) et lui offrir ainsi un meilleur avenir.

Dès le début, une question est posée : un enfant iranien a-t-il plus d’avenir dans son pays ou ailleurs ? Et les interrogat­ions ne cessent tout au long du film, renvoyant sans cesse le public à ses propres croyances ou valeurs.

Nader ne veut quitter l’iran puisque son père est atteint de la maladie d’alzheimer. Après le départ de sa femme, qui retourne chez ses parents puisque Nader s’oppose à ce que Temeh quitte le pays, il embauche une femme, Razieh (Sareh Bayat), pour s’occuper de son père, mais celle-ci le maltraite. Il la met dehors et, ce faisant, se retrouve accusé d’avoir provoqué la fausse couche de la future mère.

Tourné après les élections iraniennes qui avaient donné lieu à des manifestat­ions et à des répression­s, Une séparation offre un regard inédit d’une société fermée à l’occident. Le film permet aussi de tenter d’en comprendre certains fonctionne­ments, comme quand Razieh appelle son guide spirituel pour lui demander si elle peut changer le père de Nader, qui vient de souiller ses pantalons.

On voit aussi la lourdeur – kafkaïenne ? – de l’appareil judiciaire, strict, juste, mais sans cesse teinté par la religion. « Le film tente de donner une vision la plus honnête possible d’une situation qui n’est qu’une partie de la société iranienne, pas sa totalité », précisait Asghar Farhadi.

Une séparation est également un film à sensations fortes au cours duquel on suit les démêlés entre Nader et la famille de Razieh. « Une séparation est un film policier, mais le détective n’est pas dans le film, a-t-il poursuivi. C’est le public qui l’est. Il faut bien que je cache certains renseignem­ents pour que les spectateur­s fassent attention aux détails. Des choses en apparence inutiles deviennent très importante­s au fur et à mesure du déroulemen­t. »

Mais le plus important, pour le cinéaste – qui a failli avoir quelques ennuis, vite arrangés, avec la censure pendant le tournage – est de « faire réfléchir le public. »

Une séparation ne comprend donc pas de réponses, mais des questions. « Si vous donnez des réponses au public, le film prend fin dans le cinéma. Alors que si vous posez des questions, le long métrage continue de vivre dans la tête des gens. »

Et, pour Asghar Farhadi, c’est une dimension indispensa­ble, surtout dans l’iran d’aujourd’hui.

Une séparation prend l’affiche le 24 février au Québec. Il est en nomination aux Oscars dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère contre notamment Monsieur Lazhar, de Philippe Falardeau, représenta­nt du Canada.

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