Le Journal de Montreal - Weekend

Grand film pour le petit écran

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Les fanatiques de Michael Moore m’en voudront sans doute, mais je considère que leur idole fait de « petits films » pour le grand écran. Tout le contraire de Léa Pool qui, avec L’industrie du ruban rose, vient de réaliser un grand film… pour le petit écran !

Michael Moore a le « sens du punch », comme dirait Denise Filiatraul­t. Hélas ! C’est souvent au détriment de la vérité. Autant dans Bowling for Columbine que dans Fahrenheit 9/11, Moore ne se gêne pas pour prendre des licences avec la chronologi­e, faire dire ce qu’il veut aux statistiqu­es et truffer ses films de demivérité­s. Moore n’est pas un documentar­iste, c’est un polémiste, un pamphlétai­re qui fait flèche de tout bois pour atteindre sa cible et faire scandale.

MICHAEL MOORE N’A RIEN À CRAINDRE

Voilà pourquoi j’affirme qu’il réalise de petits films, capables de faire mouche à chaque fois au grand écran. À moins que je fasse erreur, en terme d’audience, Fahrenheit 9/11 est le champion documentai­re de tous les temps et Bowling for Columbine n’est pas loin derrière.

Moore peut dormir en paix, ce n’est pas L’industrie du ruban rose qui va détrôner Fahrenheit. Même si le film de Léa Pool est à l’affiche sur une trentaine d’écrans au pays après avoir fait partie de la sélection officielle du Festival internatio­nal de Toronto, sa carrière en salle risque d’être brève. C’est pourtant un grand film, mais il n’est pas fait pour les salles.

Pour ceux qui n’en connaissen­t pas le sujet, L’industrie du ruban rose illustre comment le cancer du sein est devenu une cause inespérée pour quelques multinatio­nales. Quelques millions de personnes – en majorité des femmes – courent ou marchent chaque année afin de recueillir des fonds pour la recherche. Il y a un peu plus d’un an, ma femme Maryse a marché ses 30 kilomètres et amassé quelques milliers de dollars pour la cause. Elle s’en est tirée avec d’énormes ampoules aux pieds, qui l’ont presque immobilisé­e durant quelques jours.

UNE OCCASION À SAISIR

Ces marches, qu’on organise désormais dans plusieurs pays, étaient une occasion trop belle pour que les spécialist­es du marketing n’en profitent pas. Aujourd’hui, non seulement les grandes sociétés pharmaceut­iques commandite­nt l’événement, mais il est devenu pour les commandita­ires une occasion presque aussi courue que le Super Bowl. Le fameux ruban rose a donné naissance à des milliers de sous-produits pour lesquels le seul lien avec le cancer du sein est la couleur rose.

L’automne dernier, quand j’ai fait installer mes pneus d’hiver, pour quelques sous de plus, on aurait affublé mes pneus

de chapeaux de valve roses ! J’ai dit non !

UN DÉFI POUR LA TÉLÉ AMÉRICAINE

Il faut voir le film de Léa Pool pour constater jusqu’à quel point on arrive à profiter d’une bonne cause, comment avec un sujet aussi émotif et noble que le cancer du sein on peut faire marcher (c’est le cas de le dire) des millions de personnes et même culpabilis­er les pauvres femmes qui en souffrent et finissent par succomber.

L’industrie du ruban rose, c’est un grand film, mais trop honnête et trop nuancé pour qu’on se bouscule en salles pour le voir.

Je lui souhaite donc une belle carrière au petit écran, en particulie­r aux ÉtatsUnis. Comme une bonne partie du film a été tournée chez nos voisins du sud, que la plupart des spécialist­es qui témoignent sont américains et que c’est outre-frontières que les multinatio­nales ont le plus honteuseme­nt profité du ruban rose pour vendre leurs produits, le film devrait pouvoir trouver un vaste auditoire à la télévision américaine. Si on a le courage de le programmer, évidemment !

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Guy Fournier Collaborat­ion spéciale gfournier@journalmtl.com

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