Le Journal de Montreal - Weekend
«JE SENS QU’IL Y A UNE PROVINCE » ENTIÈRE DERRIÈRE MOI
Troisième cinéaste québécois à avoir décroché une nomination pour l’oscar du meilleur film en langue étrangère - après Denys Arcand et Denis Villeneuve -, Philippe Falardeau se prépare pour le grand soir avec un mélange de fébrilité et de sérénité. Pour l
« Le stress, en ce moment, se gère de façon assez ludique, admet le réalisateur de Monsieur Lazhar, rencontré la semaine dernière, à quelques jours de son départ pour Los Angeles.
« Ça ne se compare pas au stress avant l’annonce des nominations où, si tu ne fais pas partie des cinq finalistes, c’est comme si tu finissais quatrième aux Jeux olympiques. Avant l’annonce des nominations, il y avait une vraie tension, une fatigue aussi, après toutes ces semaines sur la route. Et puis les gens en parlaient tout le temps, donc je finissais par y croire et l’espérer. J’aurais été déçu de ne pas avoir la nomination. Donc, quand j’ai eu la nomination, il y a eu un relâchement, un soulagement.
Le cinéaste aborde donc la dernière étape de façon plus détachée.
« Je veux m’amuser, en profiter, rencontrer des gens. À ce stade-ci, c’est plus une fête qu’une compétition. Comme m’a dit le cinéaste d’origine canadienne Norman Jewison, la semaine dernière : “You have a nomina
tion for life » . Il faut donc que j’en profite en prenant pour acquis que ça ne m’arrivera peut-être plus jamais. »
Philippe Falardeau se dit d’autant plus heureux qu’il se sent accompagné et appuyé dans son aventure par le public québécois, qui le supporte beaucoup depuis que son film a été choisi pour représenter le Canada dans la course aux Oscars.
« Je sens qu’il y a toute une province entière derrière moi et le film », dit le réalisateur de Congorama et C’est pas moi, je le jure !
« C’est comme si j’étais le capitaine d’un bateau et que tout le monde embarquait avec moi et qu’on voguait vers la Californie pour la soirée des Oscars. Les gens se sont approprié cette nomination et je trouve cela vraiment chouette. Ce n’est pas juste moi ou le film qui est en nomination, c’est tout le monde.
« Je suis content que ça se passe comme ça parce que tu ne veux pas te retrouver tout seul dans la mêlée. Je préfère avoir l’impression qu’on est là en gang. Les gens vont être là physiquement, ils vont être là télépathiquement ou devant leur téléviseur. Mais je le sens et c’est très encourageant et rassurant. »
Le cinéaste de 43 ans dit avoir observé le même phénomène l’an passé avec le succès d’in
cendies de Denis Villeneuve.
« Au-delà du fait qu’incendies est un très bon film, je crois que le public est fier d’aller voir une oeuvre faite chez nous et qui s’illustre à l’extérieur de nos frontières. Je pense que les gens se sont approprié Monsieur
Lazhar de la même manière. » Avec la nomination de Monsieur
Lazhar pour le prix du meilleur film en langue étrangère, le cinéma québécois s’invite aux Oscars dans cette prestigieuse catégorie. Et avec Les In
vasions barbares de Denys Arcand, qui a remporté le prix en 2004, c’est la troisième fois en huit ans que le cinéma québécois s’illustre dans cette catégorie. Rappelons que Denys Arcand avait précédemment été nommé pour ce prix à deux reprises, pour Le déclin
de l’empire américain (en 1986) et pour Jésus de Montréal (en 1989).
Ces mises en nominations s’ajoutent à celles récoltées au fil des années par les productions de L’ONF, surtout dans la catégorie du meilleur court métrage d’animation. Les Montréalais Chris Landreth ( Ryan) et Torill Kove ( Le poète danois) ont remporté ce prix en 2004 et 2006.
Cette année encore, un Québécois (Patrick Doyon pour Dimanche) et deux Canadiennes (Amanda Forby et Wendy Tilbis pour Wild Life) sont en lice dans cette catégorie.
« Il y a une effervescence en ce moment à Montréal et au Québec, signale Falardeau. Au cinéma, mais aussi en musique, en littérature et en théâtre. Incendies et Monsieur Laz
har étaient tous les deux à la base des pièces de théâtre. »
Rencontré le mois dernier, le jour où Monsieur Lazhar a obtenu sa nomination aux Oscars, Denys Arcand se réjouissait de voir notre cinématographie s’épanouir de la sorte :
« Le chemin parcouru par le cinéma québécois est énorme, a analysé le réputé cinéaste. « Quand j’ai commencé à L’ONF au début des années 1960, le cinéma québécois n’existait pratiquement pas. Si on regarde aujourd’hui, avec
aux Oscars cette année et l’an passé, c’est absolument extraordinaire. On est à des années-lumière de ce que c’était dans les années 1960. » √ La 84e cérémonie des Oscars aura lieu demain soir au Kodak Theatre de Hollywood et sera diffusée sur les ondes de CTV et ABC à
compter de 20 h 30.