Le Journal de Montreal - Weekend

DE VILLE-ÉMARD à la scène

- Agnès Gaudet Le Journal de Montréal agnes.gaudet@journalmtl.com

Albert Millaire est un gars du sudouest qui a grandi à Ville-émard, pas loin de chez Yvon Deschamps et à trois rues d’edgar Fruitier, « une des plus grandes cultures du Québec », dit-il. On était à michemin entre Saint-henri et VilleÉmard, lance-t-il, des vrais bums !»

Bien sûr, il plaisante. Le milieu ouvrier d’où il vient était pauvre, mais pas nécessaire­ment corrompu. Pour en sortir toutefois, il fallait user de finesse. Pour faire des études supérieure­s, Albert Millaire avait fait croire qu’il voulait devenir prêtre, la seule façon à l’époque pour obtenir de l’aide financière. Sa mère obtint donc une bourse et le jeune Albert, parti étudier au collège de l’assomption, dans Lanaudière.

« Partir de Ville-émard pour aller à l’assomption en tramway et en autobus, c’était traverser le monde, se souvient le comédien. Ma mère m’avait toujours dit de ne jamais aller à l’est, de ne jamais traverser le boulevard St-laurent. À l’est, c’était l’enfer. Alors, quand j’ai traversé le boulevard Saint-laurent, j’ai fermé la fenêtre. J’avais peur ! »

Au collège L’assomption, Albert Millaire a, dès le départ, été remarqué pour son talent de comédien et dès l’âge de 17 ans, on lui confiait des premiers rôles.

La suite est une carrière de plus de 55 ans sous les feux de la rampe, où les rôles se sont succédé.

S’il a ralenti la cadence, la flamme brûle toujours et Albert Millaire veut encore jouer et jouer.

LE PAUVRE THÉÂTRE

Du théâtre actuel, Albert Millaire salue la créativité, l’originalit­é et une diversité formidable, grâce aux efforts fait depuis 50 ans. D’un autre côté, il déplore la pauvreté du milieu.

« Il y a trop de monde, dit-il. Les cégeps, L’UQAM forment des acteurs, des gens de théâtre, mais Montréal n’est pas une capitale mondiale et le bassin de spectateur­s est trop petit pour bien faire vivre tous ces gens-là.

« Ceux qui choisissen­t ce métier gagnent environ 12 000 $ par année, poursuit-il, et souvent c’est parce qu’ils ont fondé leurs propres compagnies de théâtre et qu’ils coupent sur tout. Ils font tellement de concession­s - ils montent quasiment avec leur propre jeans sur scène - qu’ils ne répondent pas aux exigences de ce métier. Le théâtre devient un acte social. »

Selon Albert Millaire, le problème ne se situe pas dans les subvention­s, mais dans l’assiette qui est divisée en plein de petites parcelles.

« Et puis, ajoute-t-il, il n’y a pas un parti politique qui a besoin de ça (l’appui des gens de théâtre) pour se faire élire. À l’époque, les séparatist­es ont eu besoin de nous, et on en a profité.

« Il ne faut pas oublier, conclut-il, que le théâtre a toujours été une manifestat­ion artistique qui ne s’adresse qu’à 3 % ou 4 % de la population. »

DES PINOTTES

Quant à la télévision, Albert Millaire regrette encore les fameux téléthéâtr­es présentés dans le temps à Radio-canada et il estime que la télé est devenue un gros magasin général pour vendre des produits.

« Il reste les réseaux spécialisé­s, conclut-il. Nous, on a ARTV. Mais ARTV n’a pas de budget. Ce réseau achète une petite série de temps en temps et repasse des vieilles séries. Mais alors nous, les comédiens, on n’est pas payé. Ils ont réussi à faire la preuve que nos contrats signés à l’époque où les réseaux spécialisé­s n’existaient pas, ne s’appliquent pas. Alors ils ont renégocié nos droits et ils nous envoient des chèques de quelques dizaines de dollars. Des pinottes !»

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