Le Journal de Montreal - Weekend

VRAIS DOCTEURS LES DERRIÈRE TRAUMA

Tout bouge très vite à l’hôpital Saint-arsène. Les civières entrent, les médecins passent à l’action et quand le verdict tombe, ils ne restent jamais insensible­s au moment de s’adresser à la famille. C’est cette fragilité dans ce tourbillon d’urgence que

- Emmanuelle Plante Collaborat­ion spéciale

Fabienne Larouche ne s’en cache pas. C’est à la suite d’un accident subit par son mari et partenaire de travail, Michel Trudeau, que l’idée de Trauma a germé. À l’époque, en 1999, le docteur Ronald Denis lui avait administré les premiers soins. Une amitié en est née permettant ainsi à l’auteure de jeter un regard plus personnel sur le milieu de la traumatolo­gie, une médecine de première ligne, d’urgence. « On travaille beaucoup avec le départemen­t de traumatolo­gie de Sacré-coeur », explique Michel Trudeau.

Pour une troisième saison, l’équipe de Julie Lemieux (Isabel Richer) répond aux cas tragiques qui se succèdent. Des cas véridiques inspirés par ce collaborat­eur et ami.

« Tous les cas sont vrais, avance Ronald Denis, traumatolo­gue et chef du départemen­t de chirurgie de l’hôpital Sacré-coeur. Je partage avec Fabienne des détails techniques sur des cas dont j’ai été témoin. Un patient est entré à telle heure, il présentait tels signes vitaux, nous avons dû procéder de telle façon. Je lui raconte la situation avec mes yeux, lui explique comment j’ai réagi, ce que j’ai perçu chez mes collègues. À partir de là, Fabienne écrit autour du cas et invente le profil du patient et les éléments qui l’amènent là. »

N’ayez donc crainte, aucun détail personnel n’est divulgué, ce qui en fait une oeuvre de fiction à part entière, mais dont la base est bien réelle. « Par la suite, poursuit-il, je relis les textes et corrige ce qui est médical. » Tout est passé en revue de la façon de revêtir les gants, à la façon de tenir les instrument­s en passant par le vocabulair­e.

RÉANIMATIO­N CARDIAQUE

Le docteur Pierre Marsolais, interniste-intensivis­te, s’est joint de son côté à l’équipe plus récemment afin de rehausser certaines situations médicales. « Je révise surtout, textes en mains, l’aspect médical quand les patients ne sont pas ouverts, qu’il n’y a pas de chirurgie. Pour toutes les questions de réanimatio­n cardiaque par exemple, ou D’ACV, d’hypothermi­e, d’hypoglycém­ie. »

Michel Trudeau, dont le premier métier était celui de psychologu­e, jette un oeil à la façon dont sont affectés les personnage­s. « Quand Fabienne construit un personnage, qu’il soit principal ou épisodique, elle s’intéresse d’abord à sa psychologi­e. Par la suite, on échange sur leur façon de réagir face à chacun des événements. Rien n’est jamais noir ou blanc. J’aide peut-être en m’assurant que les situations se peuvent ou dans une logique de développem­ent. »

DE L’ÉCRIT À LA SALLE DE CHIRURGIE

« En général, quand ils tournent les scènes de chirurgie, je suis là, confirme le docteur Denis. J’essaie que ce soit le plus près possible de la réalité. »

D’ailleurs, avant d’entreprend­re la série, les comédiens ont eu à se plonger réellement dans l’univers de la traumatolo­gie. « Les comédiens ont assisté à deux séances à l’hôpital, continue-t-il. Ils ont été impression­nés. Et je trouve qu’ils font du bon travail. »

Tourné dans des lieux réels, Trauma illustre aussi les difficulté­s qui s’imposent au travail du médecin. « Quand on voit dans Trauma un médecin dire que ça fait 24 heures qu’il est là, j’ai souvent fait ça moi-même. Passer 27-28 heures sans dormir, avoir ton téléaverti­sseur toujours à la ceinture. Quand il y a seulement deux neurochiru­rgiens dans un hôpital, ton tour revient vite. »

En ce sens, comme en témoigne Michel Trudeau, le personnage de Diane Hevey (Pascale Montpetit) démontre bien certaines difficulté­s auxquels est confronté le milieu médical. « Le personnage de Diane est intéressan­t à cause de ses multiples contrainte­s envers tout le monde. »

« Trauma me confronte pas mal, avoue Ronald Denis, parce que ça raconte la vie qu’on mène. Même si c’est romancé et qu’on a des vies autres, ce qui se passe dans notre vie peut nous affecter, peut affecter notre travail. En ce sens, je trouve que la série est un proche parent de ce que fait Claire Lamarche avec Soins intensifs à Télé-québec. On n’y dépeint pas juste le côté chirurgica­l, mais aussi le côté humain par rapport à nous-mêmes, aux patients, aux autres collègues, à l’administra­tion. »

« La seule chose qui est moins réaliste, ce sont les histoires virevoltan­tes à eux, ajoute Pierre Marsolais. Pour la télé, il faut romancer pour rendre ça palpitant. Fabienne le fait très bien. Mais dans la vie, je rentre à la maison et je fais les devoirs avec mes enfants comme n’importe qui. »

JONGLER AVEC LA VIE ET LA MORT

En apparence, Julie Lemieux n’a rien à voir avec Ronald Denis. Pourtant, il en est la source d’inspiratio­n. Une situation

qui amuse bien des patients.

« Ils me posent des questions, sont intrigués. Je vais voir des patients dans la salle de trauma et certains me disent : “j’aurais aimé mieux voir Julie Lemieux, elle est plus jolie”. Je leur réponds : “moi, je suis plus souriant.” »

Le docteur Denis prend également le temps de visionner tous les épisodes de

Trauma. Les cas qu’il a traités à l’hôpital le suivent donc jusque dans son salon. « Quand ça se termine mal, personne n’aime ça. Quand t’es impliqué en plus, ça te fait revivre des moments difficiles. »

« Dès qu’il y a un enfant dans le décor, je deviens émotif, avoue Pierre Marsolais. J’ai dû annoncer à une femme que son conjoint était dans un état de mort cérébrale. Elle était avec ses garçons et j’avais du mal à faire des phrases complètes. On ne s’habitue pas à ça. Les décès s’accumulent et ce n’est pas vrai qu’on devient insensible. À cet égard, je trouve que les comédiens sont affectés par leurs patients, on le sent bien. Les personnage­s démontrent de l’empathie, ne sont pas indifféren­ts. »

Le personnage d’antoine Légaré (Gilbert Sicotte), le psychiatre, est alors d’un grand secours. « Le chirurgien, c’est un mécanicien, explique Michel Trudeau, le médecin, c’est le chimiste du corps. Antoine, lui, a une approche plus philosophi­que. Il est moins dans l’urgence, n’a pas la même définition de la moralité. Des spécialist­es comme lui, il en existe réellement et ils sont d’une grande aide non seulement pour les patients, mais pour les médecins aussi. »

« On pourrait parler de n’importe quel milieu, poursuit-il. Les gens sont intéressés par le côté humain. En principe, on ne veut pas percevoir les médecins comme des êtres faibles. C’est un énorme tabou. Mais c’est un milieu riche parce qu’il n’y a rien de plus universel que la vie et la mort. »

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada