Le Journal de Montreal - Weekend
Les innombrables surprises de Manu
Un des affluents de l’amazonie nous dirige vers la plus grande réserve naturelle du Pérou : un sanctuaire d’environ 1 716 295 hectares (environ la moitié de la Suisse). Le périple sera assez houleux en raison des caprices du cours d’eau parfois calme, mais le plus souvent agité par des rapides. Notre conducteur est aguerri et il évite avec adresse les pièges tendus par les arbres et les multiples débris emportés par les pluies toujours abondantes des forêts pluviales. Après les autorisations du poste de contrôle (car l’accès à la réserve est limité), nous arrivons à la fin de cette journée de rêve à notre campement. SUIVEZ LE GUIDE Le campement est super sympathique et nous y croisons quelques membres d’une tribu qui protège et entretient le site. Au lieu de les chasser comme on le faisait autrefois en créant des réserves, le gouvernement du Pérou a eu la bonne idée de leur confier la sauvegarde de leur forêt natale. Nos guides nous signalent l’approche des aras. Elle sera prudente et lente tellement les rapaces affamés sont aux aguets. D’abord, ils s’arrêtent dans les arbres, ils observent les alentours, puis ils attendent qu’un brave ou un innocent tente sa chance. Si tout va bien, les autres, progressivement, s’arriment à la falaise et commencent sans tarder à avaler cette argile qui va leur sauver la vie. Car ce sont des amateurs de certaines graines et fruits contenant des substances toxiques. Les espèces sont nombreuses, mais les plus spectaculaires, les aras chloroptères, ces grands perroquets aux plumes si jolies et qui alimentent toujours des trafics illégaux, dominent. De façon assez surprenante, nos voisins sont des étudiants en pharmacie. Comme leurs prédécesseurs, ils sont fascinés par ces cervelles d’oiseau qui ont découvert dans cette terre rougeâtre un antipoison. Des chercheurs ont identifié, entre autres, le kaolin, qui deviendra un médicament pour soulager nos troubles digestifs (mieux connu sous l’appellation de Kaopectate). À notre retour ces passionnés de pharmacie nous rappellent que de 25 % à 30 % de nos médicaments proviennent de la nature et « que nous avons beaucoup plus besoin de la nature qu’elle n’a besoin de nous. »