Le Journal de Montreal - Weekend
Ce petit supplément d' âme
Aussi étrange que cela puisse paraître, Isabelle Boulay ne s’est jamais considérée comme une chanteuse à voix. Et pourtant, nombreuses sont celles qui envient la puissance et la justesse avec lesquelles elle pousse la note sur des titres qui demandent une étendue vocale de plusieurs octaves, comme Le saule, Je t’oublierai, je t’oublierai et Parle-moi.
La chanteuse avoue même avoir souffert d’un complexe d’infériorité quand elle s’est jointe à la troupe de Starmania au milieu des années 1990. « Je n’avais jamais suivi de cours de chant et là, j’étais entourée de gens qui l’avaient étudié pendant des années. Je passais mon temps à me dire : “Mais qu’est-ce que je fais ici?” Je me sentais un peu comme un imposteur », raconte-t-elle en entrevue.
Pour remédier à la situation, la jeune femme recourt aux services d’un professeur de chant français sous les conseils de son oto-rhino-laryngologiste. « Il y avait des notes que je n’étais pas capable d’atteindre », explique la chanteuse.
« Quand je suis retournée le voir pour une deuxième fois, il m’a dit : “You know what, my dear ? Votre voix n’est pas un cheval de parade ; c’est un cheval sauvage… Et les chevaux sauvages ne font pas les mêmes choses que les chevaux de parade.” Je n’oublierai jamais ce moment. Ça m’a réconciliée avec pas mal des choses. »
L’ÉMOTION PRIME
Depuis quelques années, Isabelle Boulay préfère les pièces country-folk aux ballades pop-rock à l’emporte-pièce. Un virage amorcé en 2007 avec l’album De
retour à la source, sur lequel elle renoue avec les rythmes qui ont bercé son enfance. Sa voix y paraît plus vivante que jamais, donnant un petit supplément d’âme à chacun des titres qui s’y trouvent.
« J’ai toujours puisé mon inspiration dans mon bagage émotionnel. Ma voix, ce n’est pas mon premier instrument ; elle est au service de la chanson, indique-t-elle. Il ne faut pas trop réfléchir quand on chante. Il faut investir notre chanson. Il ne faut pas penser à bien chanter ou à donner l’émotion juste ; il faut être dans l’abandon. »
La Gaspésienne d’origine ne s’embarrasse pas des considérations techniques. « Ce n’est pas grave si les notes ne sortent pas parfaitement. On n’est pas dans le chant classique. Les voix les plus bouleversantes, ce sont souvent celles qui ont des défaillances. »
APPRIVOISER LE COUNTRY
Isabelle Boulay a fait preuve d’audace l’automne dernier en enregistrant Les grands espaces, un magnifique album country-folk destiné non seulement au marché québécois, mais également au marché français, reconnu comme étant réfractaire à ce style musical.
« Quand j’ai commencé à exprimer le souhait de faire un album avec des consonances plus country, les Français m’ont dit : “Il ne faut pas dire le mot country ; il faut dire folk.” Là-bas, le country n’a pas une bonne réputation. Ça fait naître une image caricaturale dans la tête des gens. Mais moi, j’essaie d’expliquer au public et aux médias français qu’ils en écoutent déjà, du country. Je leur dis qu’il y a déjà des artistes français qui en font. Osez
Joséphine, d’alain Bashung, c’est country. Francis Cabrel, c’est countryfolk. Même chose pour Eddie Mitchell, Dick Rivers et Hughes Aufray. On les décrit comme étant des troubadours, mais pour moi, ça restera toujours de chanteurs country. »
L’opération charme menée par l’interprète semble bien fonctionner puisqu’après un mois dans les bacs, Les
grands espaces s’était écoulé à 100 000 exemplaires dans l’hexagone. « C’est une belle preuve de confiance de la part du public français, souligne-t-elle. J’arrivais avec quelque chose de nouveau. J’avais intégré quelques chansons country dans mes spectacles précédant, mais c’était la première fois que je prenais le parti d’amener la souche de notre Amérique dans leur répertoire. »
« Chaque soir, je mets les spectateurs en contexte. Je leur dis que je les amène au pays de mon enfance, au pays de la musique du coeur, de la musique country. Des fois, il y en a qui lancent des cris de joie ! C’est très drôle ! »
RETROUVAILLES
La semaine prochaine, Isabelle Boulay renouera avec ses fans québécois à l’occasion de sa rentrée montréalaise. Elle montera sur la scène de l’olympia après avoir passé les deux derniers mois à fouler les planches de plusieurs salles françaises, dont celles du Casino de Paris, où elle présentera une supplémentaire en mai.
La portion québécoise de sa tournée ressemblera beaucoup à sa portion française. Seules deux nouvelles feront leur apparition dans le tour de chant de la rouquine : Entre Bâton Rouge et
Matane et True Blue, un morceau signé par son idole de jeunesse, Dolly Parton.
Avant de rentrer au pays, Isabelle participera aux Victoires de la musique, le pendant français du gala de L’ADISQ. Elle y rendra – avec plusieurs autres chanteurs – un hommage posthume à un « grand disparu » de la chanson française. « C’est une surprise », souffle-t-elle. Isabelle Boulay se produira à l’ olympia de Montréal les 8 et 9 mars