Le Journal de Montreal - Weekend

La Nuit s’allonge

- Marc-andré Lemieux

Anne Émond le répète à maintes reprises durant notre conversati­on : le succès remporté par Nuit #1 ne cesse de l’étonner. De son propre aveu, la cinéaste montréalai­se va de surprise en surprise depuis le lancement de son premier long-métrage au Festival internatio­nal du film de Toronto l’été dernier. Nomination­s aux Jutra, nomination­s aux Génie, ventes à l’étranger… Il n’y a pas de doute : l’incroyable Nuit d’anne Émond est loin d’être terminée.

La cinéaste se souvient de la réaction des gens quand le projet en était à ses premiers balbutieme­nts. « Quand on me demandait de raconter l’histoire du film, je répondais : c’est un huis clos. C’est la rencontre de deux étrangers qui parlent durant toute la nuit après avoir couché ensemble. » C’est le genre d’explicatio­n qui rendait les gens perplexes ! », s’exclame-t-elle en entrevue au Journal de Montréal.

Mettant en vedette Catherine de Léan et Dimitri Storoge dans les rôles de deux jeunes adultes ayant perdu leurs repères, Nuit #1 a séduit la critique grâce à son récit à la fois profond et poignant. Ses réflexions sur le sexe, l’intimité et l’amour lui ont aussi valu les louanges des profession­nels de l’industrie.

« Au départ, on se demandait : « Mais quel public ça peut rejoindre ? », reconnaît la réalisatri­ce. J’espérais que les 25-35 ans de Montréal s’y retrouvera­ient. C’est tout ce que je souhaitais. Jamais je n’aurais cru que ça pouvait avoir une portée aussi large. Sur Facebook, il y a des cégépiens qui m’écrivent pour me dire qu’ils ont été touchés par le film ! »

Anne Émond a écrit Nuit #1 durant une période sombre de son existence. « C’était presque une nécessité. J’ai écrit ce film-là en me disant : « C’est sûr que je ne suis pas toute seule dans cette situation-là ! Au pire, je le ferai pour mes meilleurs amis… » Je voulais témoigner de cette période difficile dans la vie, où on ne sait plus où on s’en va. On ne sait pas pourquoi on continue, pourquoi on se démène, pourquoi on fait tout ça… », révèle-t-elle.

ICI COMME AILLEURS

Nuit #1 accumule les récompense­s à l’internatio­nal depuis les six derniers mois. Grand prix du jury au Festival du film francophon­e de Tübingen-stuttgard, la plus récente offrande d’anne Émond s’est aussi distinguée à Rotterdam, Vancouver, Montréal et Pusan (Corée du Sud).

« C’est une chose à laquelle on ne s’attendait pas: on ne pensait pas pouvoir gagner des prix avec ce film-là… Principale­ment à cause de la nature même du projet, de son scénario, de son côté très littéraire. On a fait ce film-là sans compromis en se disant: « Advienne que pourra! », explique la réalisa- trice. C’est une belle surprise. Ça, c’est sûr! » Malgré les apparences, Nuit #1 ne reçoit pas que des accolades depuis sa sortie en salle; le long-métrage compte aussi son lot de détracteur­s. Une réalité qui n’échappe pas à la principale intéressée. « Ce film-là, je me rends compte qu’il fait réagir fortement. Il n’y a personne qui sort de la salle en disant : Ouin… pas pire. Soit t’aimes, soit tu détestes », indique Anne Émond. Il y a des gens qui m’ont demandé de leur envoyer une copie du scénario tellement ils avaient tripé fort; il y en a d’autres qui m’ont dit qu’ils avaient trouvé ça insupporta­ble… » Les jurés des Jutra ne font sûrement pas partie de ce dernier groupe de personnes puisqu’ils ont cité Nuit #1 dans les trois catégories les plus prestigieu­ses de la cérémonie : Meilleur film, Meilleure réalisatio­n et Meilleure actrice. Aux Génie, la semaine prochaine, il court la chance de gagner le prix de la Meilleure interpréta­tion féminine et du Meilleur scénario. L’académie canadienne du cinéma et de la télévision profitera de l’occasion pour remettre à la jeune femme le prix Claude-jutra du meilleur premier film. « Je vois ça comme un encouragem­ent », dit l’heureuse élue, humblement.

BIENTÔT AUX ÉTATS-UNIS

Nuit #1 n’a pas fini de rayonner au-delà des frontières du Québec. Plusieurs pays se sont portés acquéreurs du long-métrage au cours des dernières semaines, à commencer par la France, l’espagne, l’allemagne, le Japon, la Russie et les États-unis, où il devrait être diffusé à la fin de l’été. Anne Émond se réjouit du succès remporté par son oeuvre, même si cela se traduit parfois en angoisses. « C’est super. Ça donne une belle visibilité au film. Je suis contente pour toute l’équipe, mais d’un autre côté, ça signifie qu’il va falloir que je me retape tout le stress d’une sortie en salle, les critiques, les entrevues…, explique-t-elle. Quand le film a pris l’affiche au Québec, j’allais chercher le journal en tremblant le matin. Une mauvaise critique, ça fait mal. Je suis une personne sensible. Je n’y peux rien. Ça prend du courage pour se donner en pâture aux journalist­es et au public. » En attendant d’aller visiter New York pour assurer la promotion du film chez nos voisins du sud, Anne Émond s’envolera pour l’uruguay, où elle participer­a au Festival de Montévidéo. Dans ses temps libres, elle se promet de poursuivre l’écriture de son deuxième prochain film, une ambitieuse saga familiale qui se déroule sur plusieurs décennies. Le titre de travail de ce deuxième essai au grand écran : Laurence et les origines. « Ça va changer parce qu’il y a beaucoup de Laurence en ce moment au cinéma, je trouve ! Quand j’ai écrit le synopsis du film, je n’avais pas entendu parler de Laurence Anyways de Xavier Dolan ni de Laurentie de Mathieu St-denis et Simon Lavoie ! »

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