Le Journal de Montreal - Weekend

YVES DESGAGNÉS, Pour tenter une expérience en France peut être difficile

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La pièce à succès Shérazade les milles et une nuits, dont Yves Desgagnés est le metteur en scène, est un magnifique exemple de succès qui a dépassé nos frontières. Exportée en France, la pièce a tenu l’affiche à Paris, en décembre dernier, pour 36 représenta­tions aux Folies Bergères et elle a été bien accueillie par le public.

OPINION BIEN ARRÊTÉE

Néanmoins, Yves Desgagnés a une opinion bien arrêtée sur l’attitude des Français à notre égard.

« D’abord, j’ai toujours pensé que le théâtre était un art local. Évidemment, les sentiments exprimés dans une oeuvre sont universels, mais la manière de livrer une pièce, tant au niveau de la mise en scène que la façon de la jouer, c’est pour moi indéniable­ment local. Il s’agit d’une séance devant ses semblables. Le théâtre va toujours appartenir à sa société et tant mieux si ça peut toucher une autre société, mais c’est une erreur de croire que les Français sont nos semblables, » déclare Yves Desgagnés avec beaucoup d’émotions.

« Même si notre vocabulair­e est semblable à celui des Français, je me considère aussi étranger en France qu’en Chine. »

Selon lui, parler la même langue ne signifie pas qu’on a la même culture, la même façon de voir la vie ou même de livrer nos émotions.

« Je crois sincèremen­t qu’on est beaucoup plus proche des Américains que des Français. Il n’y a pas tant de différence entre un New-yorkais et un Montréalai­s, mais il y a un océan de différence entre la France et le Québec. Pour eux, on est encore les petits-cousins colons, le Québec demeurant un lieu colonisé. Les traces de cela sont encore vives », affirme le metteur en scène. À partir du moment où l’on n’est pas considéré d’égal à égal, il est difficile de travailler avec eux. « Vouloir avoir la reconnaiss­ance française, c’est faire fausse route. »

LA BELGIQUE, PLUS SIMPLE

Travailler en Belgique semble un chemin beaucoup plus simple et plus prometteur où les possibilit­és sont plus grandes pour les Québécois qui veulent exporter des pièces.

« Il y a une espèce de correspond­ance directe entre les Belges et nous, puisqu’ils ont vécu une situation similaire avec les Français. Les chances de percer sont beaucoup plus grandes à Bruxelles ou à Liège, en Belgique. On pourrait en dire autant de Genève, en Suisse », estime Yves Desgagnés.

« Je crois davantage au développem­ent du marché avec l’amérique, principale­ment le marché nord-américain en faisant traduire nos pièces. J’ai l’impression que c’est beaucoup plus notre marché. Mais pour s’y attaquer, il faut être

prêt, car la dramaturgi­e américaine est très forte du point de vue de la rencontre dramatique et leurs pièces sont extrêmemen­t bien structurée­s. »

D’ABORD POUR LES QUÉBÉCOIS

Yves Desgagnés fait son travail d’abord pour les Québécois et si par un heureux hasard, une possibilit­é survient en France comme ce fut le cas pour le spectacle Shérazade, c’est tant mieux. C’est une belle occasion d’agrandir notre marché. Par ailleurs, la pièce de Molière,

L’école des femmes, qu’il a montée, l’automne dernier, au Théâtre du Nouveau Monde (TNM), a passé à deux cheveux d’être achetée par la Comédie-française.

« La façon qu’elle a été montée était appréciée par les Français et surtout, ils étaient étonnés de voir à quel point les acteurs québécois maîtrisaie­nt bien le français, raconte Yves Desgagnés avec une pointe d’ironie.

« C’est donc dire qu’on peut plaire aux Français, mais je ne vois pas pourquoi on aurait tant besoin d’aller faire son chemin en France, alors que nous pouvons avoir une très grande ouverture vers le reste du monde. Surtout, arrêtons de vouloir plaire au français et cessons de croire qu’on a un accès privilégié avec la France parce qu’on a un vocabulair­e commun. C’est faux », s’exclame-t-il.

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