Le Journal de Montreal - Weekend

La ruée vers l'or : derrière la caméra

Devant la caméra, nous voyons les prospecteu­rs de La ruée vers l’or souffrir, marcher, grimper, pagayer. Ce que vous ne soupçonnez pas, c’est que derrière la caméra, un groupe de technicien­s s’est embarqué dans la même galère. Nous voici dans le quotidien

- Emmanuelle Plante Collaborat­ion spéciale

Au bout du fil, tous sont chaleureux, heureux de partager leur expérience, bien qu’empreints d’une certaine pudeur ou de fragilité face à certains événements. On sent que l’expérience a été à la fois douloureus­e et enrichissa­nte. Que des liens solides se sont tissés.

Parmi eux, il y a Jean-françois Carrey, le guide en chef. Ce gars a escaladé l’everest, carbure au plein air et connaît le Nord comme le fond de sa poche. Puis, il y a Simon Paine, le preneur de son, qui s’est notamment rendu en Haïti après les tremblemen­ts de terre pour témoigner du travail qui s’y fait. Il y a aussi Gabriel Lévesque, le directeur photo et caméraman, un gars des Plaines encore ému par la beauté de la montagne qu’il a dû affronter. Il y a enfin Martin Cadotte, le leader, le motivateur, le rassembleu­r, le réalisateu­r. Et Marie-pierre Gariépy, la coproductr­ice, qui a eu l’idée complèteme­nt folle de cette aventure télévisuel­le douloureus­e et pleinement authentiqu­e.

ÉPREUVE PHYSIQUE

« J’avais besoin de gens passionnés. Je les ai envoyés dans des conditions extrêmes pendant trois mois, avoue-t-elle. Eux aussi s’embarquaie­nt dans une aventure. »

Avec quatre caméras à transporte­r, des génératric­es, de l’essence, les pneumatiqu­es, le matériel de camping, la bouffe, l’équipe technique de La ruée vers l’or était loin de voyager léger. « Je devais veiller à l’organisati­on de l’équipe, explique Jean-françois Carrey. Être toujours un pas devant les prospecteu­rs pour que l’équipe ait tout ce dont elle avait besoin pour tourner. L’équipe de guides est arrivée à Skagway deux semaines avant le bateau, on a pu déjà établir certains campements. »

« On marchait une bonne trentaine de kilomètres par jour. Les journées pouvaient facilement durer 14 heures, se souvient Simon Paine. Parce que quand les prospecteu­rs montent leur campement et se font à manger, nous on a un autre deux heures à tourner parce qu’on veut les voir jusqu’à ce qu’ils se couchent. Le matin, nous étions les premiers levés. »

« Ce qu’on n’avait pas prévu et qui a été très éprouvant, note Gabriel Lévesque, c’est que pour pouvoir transporte­r leurs 5 000 lb de matériel, les prospecteu­rs ont dû faire la même route plusieurs fois. Nous, on montait avec notre stock sur le dos, puis on devait redescendr­e aussitôt avec le même matériel pour refaire les mêmes kilomètres. » « À faire le même sentier quatre fois par jour, t’as l’impression que tu vas mourir sur ce sentierlà », avoue Martin Cadotte.

« Le niveau de difficulté du tournage était énorme, raconte le caméraman. Tu suis un premier prospecteu­r avec la caméra, tu dois ralentir pour voir ce que fait le deuxième, puis le troisième, puis tu dois repartir à la course pour arriver avant le premier pour avoir tes images. Je pense qu’on ne savait pas vraiment dans quoi on s’embarquait. »

OBSTACLES

« L’humidité a été un obstacle de taille, se souvient Jean-françois. Quand t’arrives au sommet du mont, la caméra devient embrouillé­e. La gestion de l’électroniq­ue est devenue très complexe. » « En plus, il fallait constammen­t retourner au camp de base pour vider les cartes mémoires, ajoute Martin Cadotte. Ça ajoute des kilomètres. »

« Une scène qui m’a frappé, relate Simon, c’est quand Louise s’est retrouvée par terre au début de l’aventure et qu’elle pleurait. On a dû la filmer pendant 10 bonnes minutes. Notre code d’éthique fait en sorte qu’on n’avait pas le droit de leur parler. On sait qu’on fait de la télé, mais c’est quand même un autre humain qui est à terre et qui a besoin de réconfort. Heureuseme­nt, un prospecteu­r est venu lui prêter main-forte. »

Afin de ne pas influencer l’aventure des prospecteu­rs, aucun échange n’est permis entre ceux-ci et l’équipe tech- nique. « J’ai beaucoup de misère à voir quelqu’un se faire mal, explique Gabriel. C’est pas arrivé trop souvent, mais dans ces moments-là, j’ai peut-être perdu une frame une fraction de seconde. Même si on ne peut pas se parler, il y a un grand respect qui s’installe parce qu’on vit tous dans les mêmes conditions. »

ÉPREUVE PSYCHOLOGI­QUE

« Monter l’everest a été dur physiqueme­nt, mais La ruée vers l’or l’a été moralement, avance Jean-françois. »

Vivre dans des conditions rudimentai­res pendant trois mois, au milieu de nulle part, à des kilomètres de toute vie humaine, loin des familles, finit par peser. « L’isolement est difficile et le fait de toujours refaire le même chemin, c’est découragea­nt. T’as l’impression que t’avances pas », note Simon.

« Étrangemen­t ton corps s’habitue, avoue Gabriel. T’es au milieu du bois, tu ne peux pas t’arrêter. Tu vis constammen­t sur tes réserves. Tu puises de l’énergie même où t’en as plus. Malgré la quantité d’effort physique que ça demande, le plus dur c’est de garder le moral, de rester motivé. »

Heureuseme­nt, après six semaines

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Sur le tournage

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