Le Journal de Montreal - Weekend

Aimée Danis, une femme si effacée

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La réalisatri­ce et productric­e Aimée Danis est morte il y a une dizaine de jours. Elle a quitté Montréal sur la pointe des pieds, si discrèteme­nt. Si discrèteme­nt que peu de Québécois, hormis ceux qui sont du milieu de la télévision et du cinéma, la connaissen­t. Sans avoir brûlé son soutiengor­ge sur la place publique, sans avoir milité bruyamment, elle a ouvert la voie aux femmes dans des milieux et des métiers qui étaient encore la chassée gardée des hommes.

Après avoir travaillé quelques années comme script-assistante de Max Cacopardo et Pierre Gauvreau à Radio-canada, Aimée quitte la télé publique pour devenir script girl de Jacques Godbout, qui tourne pour L’ONF le film de long métrage Yul 871 avec Charles Denner. Choix tout à fait inusité pour l’époque, elle décide de travailler à la pige et devient monteuse aux Films Claude Fournier, puis chez Onyx Films.

SAU-SEC-FI CO-PAIN

Elle quitte le montage de film pour devenir la première femme au Québec à réaliser des messages publicitai­res. On lui doit, entre autres, les publicités d’hydro-québec, celles des producteur­s de lait, de Dominion Stores, puis les célèbres messages des Caisses Populaires Desjardins.

Les «pop-sac-à-vie-sau-sec-fi-co-pain» de la petite Marie-josé Taillefer résonnent encore dans les oreilles de la plupart des Québécois.

Elle réalise trois dramatique­s d’une heure ( La croix du mont Royal, L’évadé et L’adieu au lys) pour Radio-canada et les télévision­s française, belge et suisse. Elle révèle alors à l’écran une très jeune comédienne, Carole Laure, qui deviendra l’actrice fétiche de Gilles Carle.

Elle tourne KW+, un documentai­re sur l’énergie électrique qui est la pièce de résistance du pavillon du Québec à l’exposition d’osaka, au Japon, en 1970. Son film remporte le premier prix du Festival internatio­nal du film de Chicago.

DE RÉALISATRI­CE À PRODUCTRIC­E

Au début des années 70, Aimée poursuit sa carrière en France. Elle réalise pour Pathé Cinéma deux grands documentai­res historique­s, La bataille de Yorktown et La bataille de Québec, dans la série de Daniel Costelle et Henri de Turenne, puis pour Europe 1, deux épisodes d’une heure de la série Jo Gaillard avec l’acteur Bernard Fresson.

De retour au Québec, elle réalise pour L’ONF Souris, tu m’inquiètes, une dramatique mettant en vedette Micheline Lanctôt, puis abandonne la réalisatio­n pour fonder Les Production­s du Verseau et devenir productric­e.

Rares sont les productric­es riches d’une aussi longue feuille de route : Aimée produit une douzaine de longs métrages et presque autant de séries de télévision. L’or et le papier, Les enfants de la rue, Rivière-des-jérémie et L’ombre de l’épervier comptent parmi les séries dont elle est la plus fière. Cette dernière est la première série québécoise enregistré­e en numérique.

UN FAIBLE POUR MICHEL BRAULT

Parmi les longs métrages qu’elle produit, c’est sûrement Léolo de Jean-claude Lauzon qui restera le plus célèbre. Léolo est d’ailleurs choisi par le magazine Time comme l’un des 100 meilleurs films de toute l’histoire du cinéma, ce qui n’est pas rien. Comme Aimée a une admiration particuliè­re pour le réalisateu­r Michel Brault, elle produit pour lui Les noces de papier et Mon amie Max, qui met en vedette Marthe Keller et Geneviève Bujold.

Si Aimée Danis fut si effacée toute sa vie, c’est que durant les 20 ans que nous avons vécu ensemble et toutes les années durant lesquelles nous avons été associés, elle a toujours voulu me laisser le premier plan. Je n’en demandais pas tant et n’en méritais sûrement pas autant non plus. Comme tous ceux qui l’ont bien connue, je garde d’elle un souvenir qui ne s’effacera pas de sitôt.

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