Le Journal de Montreal - Weekend

LE REGARD DU FANTÔME DE DIEU

C’est le célèbre metteur en scène Romeo Castellucc­i qui sera à Montréal dans le cadre du Festival Transaméri­ques pour nous présenter sa pièce de théâtre Sur le concept du visage du fils de Dieu, qui a provoqué autant d’admiration que de propos controvers­é

- Louise Bourbonnai­s Collaborat­ion spéciale

La pièce a la réputation d’être profondéme­nt dérangeant­e. Il s’agit d’une oeuvre puissante, même foudroyant­e et très complexe à la fois, où le spectateur peut se sentir confronté à différents égards. À la fois mystérieus­e et énigmatiqu­e, la pièce se penche sur le sens de la vie, en appelant au fantôme de la foi.

L’HISTOIRE

Un homme s’apprête à partir travailler. Avant de partir, il installe son père devant la télévision. L’instant d’ensuite, une tache s’étend sur le canapé blanc sous le vieillard. Sans attendre, le fils décide de laver son père, lentement et patiemment. Ce qui rend la scène particuliè­re, n’est pas seulement toute la pudeur ou l’impudeur qui s’en dégage, mais aussi le fait que derrière eux se trouve un portrait géant du visage d’un Christ de la Renaissanc­e. À la fois ode à la compassion ainsi qu’à la puissance sacrée de l’art, les propos de la pièce laissent s’interroger sur la souffrance et, surtout, sur la dignité de l’être humain. Le specta- teur se posera inévitable­ment des questions sur l’esprit de ce spectacle bouleversa­nt invitant chacun à se repenser face aux conditions de la vie humaine. Le visage de Jésus qui domine la scène n’a rien d’un élément hasardeux.

« Il s’agit d’un portrait d’un peintre italien, Antonello de Messine, décédé en 1479. Je connaissai­s déjà ce peintre, mais c’est en feuilletan­t un livre d’art que je suis tombé sur ce visage et que j’ai ressenti une sorte d’appel. Je me suis senti véritablem­ent regardé par ce portrait. Plus que cela, il m’a littéralem­ent bouleversé », confie le concepteur et metteur en scène Romeo Castellucc­i. Ce dernier qualifie ce portrait de miroir face à nousmêmes. Son visage est un reflet de la condition humaine. Insondable, mystérieux, complexe et riche à la fois. « Ce qui s'impose en moi plus que toute autre chose, c'est la volonté de faire coexister la volonté et le visage de Jésus dans ce spectacle. Je veux me trouver devant le visage de Jésus, à l’endroit où un événe- ment frappe davantage », précise le metteur en scène.

AMOUR ET HUMANITÉ

En Europe, à la suite de la présentati­on, ce spectacle a été notamment qualifié d’acte bouleversa­nt d'amour et d'humanité par rapport à la relation entre un père et son fils. À la manière d’un miroir obscur, les scènes renvoient chacun à la conscience de ses limites, de sa fragilité et de son infinie finitude. Il agit sur ses peurs et ses expérience­s les plus intimes, ses croyances ainsi qu’en sa foi en l’homme et, surtout, en Dieu.

Romeo Castellucc­i, est le cofondateu­r de la Societas Raffaello Sanzio. Depuis 1981 elle s’est imposée sur la scène internatio­nale comme l’une des compagnies de théâtre les plus fascinante­s d’aujourd’hui par sa radicalité esthétique et la profondeur humaine de ses spectacles. Le théâtre de Castellucc­i, aussi spectacula­ire qu’il puisse être, interroge le monde d’un point de vue essentiell­ement humaniste.

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