Le Journal de Montreal - Weekend
BLUFFER SA VIE
Jonathan Duhamel a mis la main sur neuf millions de dollars le 8 novembre 2010 en remportant le Main Event des Séries mondiales de poker. Il n’est pas le seul représentant du Québec à connaître du succès avec les cartes. Une dizaine de Québécois gagnent leur vie de cette manière.
Le réalisateur-comédien Alex B. Martin s’est rendu à Las Vegas l’été dernier afin de rencontrer ces Québécois qui connaissent du succès au poker et qui vivent dans un univers différent et particulier. Son documentaire Bluffer sa vie sera diffusé demain, à 20h, à Télé-québec.
« Les gens ont des préjugés et des réactions négatives vis-à-vis de ces jeunes qui gagnent leur vie de cette façon. Il y a de la jalousie et ce n’est pas très bien vu comme profession. J’ai joué longtemps au poker et j’avais envie d’aller rencontrer ces gens et témoigner de cette réalité », a indiqué Alexb. Martin lors d’un entretien.
Trois Québécois dominaient la scène mondiale du poker avant la victoire médiatisée de Jonathan Duhamel en novembre 2010. Les Québécois connaissent aussi beaucoup de succès sur les sites de jeu en ligne.
UNE PETITE COMMUNAUTÉ
Le jeune réalisateur, qui signe son premier documentaire, s’est installé dans la capitale du jeu durant quelques semaines et il a même tourné quelques images « illégalement » à l’intérieur des casinos, où il est interdit de le faire.
« Ce n’est pas tout le monde qui désire s’afficher en tant que joueur, mais les gens que j’ai rencontrés ont été très généreux avec moi. Je connaissais assez bien cette communauté et mon objectif était aussi d’être le plus neutre possible avec ma démarche », a-t-il raconté.
Ces jeunes, selon Alex B. Martin, pensent poker 24 heures sur 24. Leur entourage, leurs amis et toute leur vie tournent à 100 % autour de ce jeu.
Ils ont leur propre langage lorsqu’ils se rencontrent et qu’ils discutent. Ils jouent de façon sérieuse et se concentrent sur ce qui est pour eux un travail. Ils ne jouent pas récréativement », a-t-il fait savoir.
Le comédien-réalisateur a constaté lors de son voyage sur la « Strip » que gagner sa vie avec le poker n’est pas à la portée de tous, contrairement à ce que les publicités de sites de jeu en ligne peuvent parfois laisser croire.
« Les gens qui vivent de ça sont respectables et ils ont une tête sur les épaules. Un d’entre eux a même une formation d’actuaire », a précisé Alex B. Martin.
MILLIONS DE MAINS
L’esprit de communauté qui réunit les Québécois qui jouent de façon professionnelle expliquerait leur succès sur la scène mondiale.
« Les Québécois, comme les joueurs da- nois, suédois et norvégiens, se parlent et s’échangent des informations et des stratégies sur le jeu. C’est une minicommunauté », a-t-il expliqué.
L’expérience de jeu, selon le comédien-réalisateur, entre aussi en ligne de compte. Les gens qui gagnent leur vie au poker ne sont pas des joueurs de sous-sol ou de fin de semaine.
« Il y a un certain élément de chance associé au poker, mais il y a aussi ces millions de mains jouées qui permettent au joueur de bien voir ce qui se déroule sur la table de jeu et de limiter les erreurs qui pourraient être commises par des joueurs moins expérimentés. Ça ne veut pas dire que parce que tu as du succès en jouant avec des amis que tu vas réussir à gagner ta vie de cette façon », a-t-il fait savoir.
Alex B. Martin raconte qu’un joueur sur 10 savait jouer en 2000, comparativement à 8 sur 10 qui sont excellents en 2012 à une table de jeu.
« La compétition est très relevée et c’est un métier qui est assez risqué. Les jeunes qui gagnent leur vie avec le poker ne sont pas à l’abri de périodes creuses et de moments difficiles. Il y a des gens qui réussissent à vivre avec le poker, mais ils ne sont pas très nombreux. C’est l’fun, le poker, mais ce n’est pas aussi facile que les gens peuvent le penser. Et c’est ce que j’ai voulu démontrer avec mon documentaire », a-t-il fait remarquer.
Bluffer sa vie est présenté demain, à 20 h, à Télé-québec.