Le Journal de Montreal - Weekend
UNE RECETTE magique
Hollywood veut que nous vivions heureux jusqu’à la fin des temps. Sinon, comment expliquer ce raz de marée de films inspirés de contes de fées qui se profile à l’horizon ? Blanche-neige et le chasseur arrive en salle, emboîtant le pas à Miroir, miroir, m
Il y a, par exemple, au moins trois adaptations de Pinocchio prévues prochainement, dont un film en vrai réalisé par Tim Burton, un prélude sur les mésaventures de Geppetto, et une version animée en 3D, produite par Guillermo del Toro. Jiminy Cricket ! Et ce même Del Toro réalisera un Belle
et la bête mettant en vedette Emma Watson. On a déjà entendu parler de Hansel et
Gretel, auxquels participent Jeremy Renner et Gemma Arterton, sous les traits de Hansel et Gretel adultes, et Maleficent, qui est en fait le conte de La belle au bois dor
mant raconté selon la perspective de la méchante sorcière. Les vedettes sont, bien sûr, Angelina Jolie et Elle Fanning.
Un autre projet Blanche-neige, avec Hailee Steinfeld, est en branle. On parle aussi d’un nouveau film de La petite sirène, (soit
Mermaid, de Shana Feste, ou le projet Joe Wright), et même d’autres Blanche-neige – une extravagance à saveur de kung fu appelée The Order Of The Seven, avec Saoirse Ronan et Chow Yun-fat, et une version sombre D’A.D. Calvo, mettant en scène une Blanche-neige suicidaire. Mark Romanek réalisera une version en vrai de
Cendrillon.
Et tout ça n’est que la pointe de l’iceberg.
RIEN DE NOUVEAU SOUS LE SOLEIL
Vous vous demandez peut-être quels sont les facteurs sociaux, éthiques et intellectuels justifiant une telle augmentation des films de contes de fées ou du moins, pourquoi ils occupent une telle place dans la culture contemporaine ? Bien sûr, vous êtes peut-être en train d’envelopper du poisson. Quoi qu’il en soit, les contes de fées ne sont pas apparus soudainement cette année. Ils ne sont tout simplement jamais partis. Pourquoi ? Parce que sub sole nihil novi
est, rien de nouveau sous le soleil. Que ce soit au premier degré ou déguisé, le conte de fées a toujours été une inspiration de premier plan pour les films depuis les débuts du cinéma. On pense, entre autres, à une version muette de Cendrillon en 1915. Et à une version de Blanche-neige
et les sept nains en 1937. Il y a un tas de films de filles modernes, des histoires dites de « conte de fées » inspirées de Cendrillon, dont Sabrina, Une jolie femme et À tout jamais. Le petit chaperon rouge a inspiré une foule de films mettant en scène un méchant qui s’en prend à plus futée que lui, comme Sans issue ou
Dur à croquer ou La compagnie des loups. La version animée et gagnante de deux Oscars de Disney de La belle et la bête est la plus connue de nos jours, mais l’histoire elle-même a servi de sujet à plusieurs films, dont Edward aux mains d’argent. De la même façon, le film Une saveur de
passion est quelque peu redevable au conte de fées Cap O’rushes (lui-même comparable au Roi Lear). Si c’est le joueur de flûte de Hamelin que vous cherchez, il y a le vraiment bizarre Krysar (1985), réalisé par Jiri Barta.
FINS SOMBRES EN VUE
Ce qu’il y a de prometteur, dans cette prochaine récolte de films de conte de fées, c’est la possibilité de voir le retour de leurs fins sombres. La plupart des contes de fées sont effrayants, tristes ou glauques, ou les trois en même temps. La
petite sirène, par exemple, se sacrifie par amour et elle n’a pas le bonheur de vivre avec le prince ou d’être dotée de jambes, comme dans la version doucereuse de Disney. Le viol et le meurtre ne sont pas rares dans les contes de fées, et les gens se font souvent griffer ou arracher les yeux. Qui plus est, ces vilaines bellesmères et ces rois cruels ne reçoivent jamais le juste châtiment qu’ils méritent.
À notre humble avis, les bouts effrayants de Blanche-neige et le chasseur constituent probablement les meilleurs moments de l’expérience du film. Espérons que cette nouvelle vague de contes de fées continuera d’explorer le côté sombre de l’imaginaire. Une pomme empoisonnée, quelqu’un ?