Le Journal de Montreal - Weekend

Retrouvail­les

des vieux chums

- MARC-ANDRE.LEMIEUX@QUEBECORME­DIA.COM

Réunis pour discuter du lancement de leur premier album live, un magnifique disque enregistré lors de leurs derniers passages à Montréal et dans la vieille capitale, les cinq musiciens ont rapidement retrouvé leur erre d’aller. Extraits d’une discussion animée.

Quels souvenirs gardez-vous de votre dernier spectacle au Métropolis ?

François : J’étais chaud !

Louis-jean : Mais je suis certain que t’avais moins bu que d’habitude. François : C’est possible…

Louis-jean : On était étourdi parce qu’on était un peu à fleur de peau. On était fébrile à l’idée de se quitter pour une période indétermin­ée. C’était déstabilis­ant. Durant le show, j’étais très concentré. Je savais qu’on enregistra­it. Mais en sortant de scène, j’ai braillé comme un veau. On était tous très émotifs. Musiqueplu­s filmait le spectacle et sur les moniteurs dans la salle, les gens voyaient qu’on avait les yeux vitreux.

Martin : Je savais que c’était notre dernier show, mais je n’y ai pas trop pensé pendant qu’on jouait. C’est quand on a accroché nos guitares que ça m’a frappé. C’est à ce moment-là que j’ai compris que ça chiait…

Louis-jean : Je me souviens de Nicolas Beaudoin [le technicien qui voyage avec le groupe]… François : Bobo !

Louis-jean : Quand il a pris ma guitare

après le rappel, sa lèvre inférieure tremblait. Il nous a dit : « Les gars, vous ne pouvez pas faire ça ! »

François : Lui, il était chaud en crisse !

[rires]

Stéphane : Le dernier souvenir que j’ai de Bobo, c’est en plein milieu de la soirée, quand mon snare [caisse claire] est tombé à terre pendant qu’il niaisait en coulisse avec notre gérant !

François : Je pense qu’ils jouaient à la marelle !

Stéphane : Je n’arrêtais pas de crier : « Bobo ! Bobo ! »

Louis-jean : On l’entend même sur le

tape !

Stéphane : Finalement, c’est le drummer de Patrick Watson – qui était à l’autre bout du stage – qui est venu me l’arranger.

François : Merci Bobby. Tu nous as sauvé la peau !

Quand avez-vous pris la décision de prendre une pause ?

Louis-jean : Ça fait très longtemps. François : À l’origine, on devait s’éclipser après la sortie des Chemins de verre.

Louis-jean : On revenait d’une longue tournée. On avait besoin d’un break.

François : Mais quand on a vu que le disque recevait un aussi bel accueil, on s’est dit qu’il fallait en profiter pour faire une petite tournée.

Louis-jean : Le prix Polaris a changé la donne. Ça nous a ouvert des portes dans les pays anglophone­s et dans l’ouest canadien. On s’est fait prendre dans le collimateu­r…

François : C’est le plus gros prix de notre carrière. J’étais super heureux de le gagner, mais d’un autre côté, je me disais : « Là, on est dans la marde ! »

Martin : T’espérais quand même pas qu’on perde ?

Louis-jean : Disons qu’on ne pensait jamais gagner !

Doit-on s’inquiéter pour l’avenir de Karkwa ?

Louis-jean : C’est difficile à dire. On est encore en suspens. On ne sait pas trop ce qui s’en vient, pis on aime ça. Mais pour ma part, je sens monter l’envie de ploguer les amplis et de jouer fort…

Julien : Des albums, on peut toujours en faire. Louis-jean a un studio chez eux. Ça ne va rien nous coûter !

Louis-jean : Ce qui nous a fait mal, c’est d’être loin de nos familles avec des enfants en bas âge. Les tournées, les avions, les camions…

Stéphane : Au Québec, si tu veux vivre de ta musique, il ne faut pas que t’arrêtes. Mais d’un autre côté, c’est l’fun de voir à quoi la vie peut ressem-

bler quand tu ralentis le rythme. C’est là que tu réalises qu’il existe d’autres moyens de gagner sa vie. Quand tu te rends compte que tu peux te débrouille­r autrement, tu te dis : « Ah ben ! Je ne suis pas obligé de maintenir cette vitesse de débile. »

Martin : On ne voulait pas continuer juste parce que les demandes continuaie­nt à rentrer.

Louis-jean : On avait besoin de se ressourcer…

François : Stéphane et moi, on s’en parlait récemment… Et je dis ça en toute humilité : avec Karkwa, chaque fois qu’on revenait avec un nouveau disque, on proposait quelque chose de différent, de nouveau. Il y avait un souci artistique. Mais on a tellement labouré la terre… C’est normal qu’on la laisse reposer pendant un certain temps. Ça fait quasiment 14 ans qu’on n’a pas pris de pause. C’est beaucoup.

Jusqu’à maintenant, comment va la vie à l’extérieur de Karkwa ?

Louis-jean : On ne repart pas à zéro, mais presque. C’est un feeling stimulant d’aller cogner aux portes. Tu ne sais pas ce que ça va donner…

François : On avait l’habitude de travailler à cinq. C’est une autre réalité. Il faut s’adapter.

Julien Sagot : C’est difficile. Il y a beaucoup de remises en question, mais ce n’est pas grave. Si je dois retourner à l’école pour faire mes études en foresterie, c’est OK. Je ne vais pas considérer ça comme un échec. Il n’y a pas de problèmes; il n’y a que des solutions.

Louis-jean : C’est une bonne mentalité… François : Avec Karkwa, on ne s’est jamais dit : « Est-ce que les gens vont triper sur notre disque ? Est-ce que la critique va l’aimer ? » On a toujours fait ce qu’on voulait.

Julien Sagot : Je n’ai pas pleuré après notre dernier show au Métropolis parce que pour moi, ce n’était pas la fin ; c’était le début d’autre chose. On est vraiment des frères. Ça fait longtemps qu’on se connaît. On n’arrêtera pas de se voir parce qu’on a décidé de prendre un break.

François : De toute façon, on se retrouve sur plein d’autres affaires. Louis-jean et Julien ont travaillé sur l’album de MariePierr­e [Arthur].

François : Pour moi, c’est tout sauf une sabbatique. Je travaille beaucoup, mais je suis plus souvent à la maison. C’est ce que je voulais. Ça me permet de voir mon garçon. Stéphane, Louis-jean et moi, on a eu nos enfants en même temps, en plein milieu de la tournée. On n’a presque pas été là durant la première année de leur vie…

Stéphane : Nos femmes étaient plus présentes…

François : À part ça, je travaille sur le nouvel album d’elisapie Isaac avec Éloi Pain- chaud. J’ai des projets de musique de film. Je fais la tournée avec ma femme [Marie-pierre Arthur] pour la première fois en sept ans…

Stéphane : Je recommence tranquille­ment à faire de la musique. Avant, on était tellement occupé, on n’était pas trop dans le circuit des pigistes. J’ai finalement pogné une job avec Juste pour rire.

François : Cool ! Martin : Moi, je ne compose pas. Je n’avais pas d’autres projets à part Karkwa. Aujourd’hui, mon but, dans la vie, c’est de faire du cash ! Je travaille sept jours sur sept sur des grosses machines. Si on pouvait ajouter une huitième journée à la semaine, je la passerais à travailler ! Je suis heureux. J’ai enfin de l’argent dans les poches ! François : Parle-moi de ça !

Louis-jean : On a beau faire nos frais en disant « ça fait 14 ans qu’on joue dans un groupe rock », mais tout le monde sait que ce n’est pas payant.

Stéphane : Ce n’est pas parce qu’on est en sabbatique qu’on ne fait rien.

Louis-jean : Il fallait enlever toute forme d’interdépen­dance. On avait le désir de décrocher total. On ne voulait pas se sentir coupable si un d’entre nous avait plus de misère que l’autre. Un jour, si je décide d’arrêter, je ne veux pas me dire : « Je vais mettre les autres dans la marde ! » Ce n’est pas un fardeau que je veux porter.

François : Au cours des six dernières années, j’ai eu un paquet de projets à l’extérieur du band. C’est cool, mais j’avais toujours l’impression de tricoter autour des horaires de tout le monde. Aujourd’hui, on fait nos propres horaires. Pis c’est l’fun.

Karkwa Live, en magasin mardi.

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Marc-andré Lemieux
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