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Louis T. passe plusieurs heures par jours sur les réseaux sociaux. Le soir, il fréquente les bars. Fainéant, ce finissant de l’école nationale de l’humour ? Pas du tout. Car pour percer dans le métier, les humoristes de la relève doivent miser sur les nou

- MARC-ANDRE.LEMIEUX@QUEBECORME­DIA.COM Marc-andré Lemieux

« Je suis comme Batman, dit Louis T. en entrevue au Journal de Montréal. Durant la journée, je nourris mes comptes Twitter et Facebook. Et le soir, je fais le circuit des bars. »

Contrairem­ent à leurs prédécesse­urs, les jeunes comiques ne doivent plus attendre qu’un producteur les remarque pour infiltrer le milieu de l’humour québécois. Plusieurs d’entre eux misent sur le Web pour tirer leur épingle du jeu.

« On a tous besoin d’une tribune et celle du Web est gratuite, explique Louis T. Le potentiel de visibilité n’est pas celui de la télévision, mais il demeure intéressan­t. C’est pour ça que je passe beaucoup de temps sur les réseaux sociaux: dans le but d’être lu et d’être vu. »

Directrice de l’école nationale de l’humour (ENH), Louise Richer appuie le propos de son ex-protégé.

« Les nouvelles plateforme­s offrent une grande variété de débouchés, explique-telle. Les jeunes humoristes mènent leur carrière différemme­nt. Ils ont beaucoup plus d’autonomie qu’avant. Ils n’ont pas besoin d’avoir énormément de ressources pour se faire connaître. »

L’ENH tient compte de cette révolution 2.0 dans la formation qu’elle offre à ses étudiants.

« Tout le monde doit élaborer une série Web. En 2012, c’est un incontourn­able. Pour qu’un jeune humoriste puisse rayonner et se manifester dans l’ensemble des lieux de diffusion, il doit connaître les nouveaux médias comme le fond de sa poche », dit Louise Richer.

UNE OPTION GAGNANTE

Les réseaux sociaux servent bien le style d’humour privilégié par Louis T. : la critique acerbe de l’actualité politique, sociale et culturelle. « Les gens sur Twitter sont affamés pour tout ce qui défraie les manchettes. Ça tombe bien, c’est mon sujet de prédilecti­on », indique cet ancien étudiant en administra­tion.

Selon ses dires, ses gazouillis lui au- raient ouvert de nombreuses portes. « Ça m’a permis de booker des spectacles, signer des contrats et donner des entrevues. Au stade où j’en suis, c’est génial », affirme celui qui se produira cet été dans le cadre du Zoofest, le petit cousin du Festival Juste pour rire.

« Ça devrait quasiment être un cours à L’ENH : comment écrire un punch en moins de 140 caractères ! » ajoute-t-il en riant.

CAROLE VS. SILVI

Autre comique à s’être tournée vers l’internet pour gagner en notoriété, Silvi Tourigny, 29 ans, est l’auteure de la populaire websérie Carole aide son prochain. Ces capsules, qui la présentent sous les traits d’une jeune femme inexpressi­ve, condescend­ante et blasée au possible, cette ressortiss­ante de Victoriavi­lle a récolté – au cours des deux dernières années – des nomination­s au gala Les Olivier, dans la catégorie réservée aux capsules ou sketchs humoristiq­ues dans un nouveau média.

« Sans Carole aide son prochain, je n’aurais jamais pu me faire connaître en France aussi rapidement », souligne la gagnante du prix Coup de coeur du jury au dernier Festival internatio­nal de télévision sur Internet de La Rochelle.

Né sur scène, le personnage de Carole a pris le chemin du Web en 2009. Son démo, Silvi Tourigny l’a écrit, filmé et édité avec l’aide d’une seule personne. « Pendant qu’on filmait, je m’auto-perchais! », se rappelle cette finissante de L’ENH.

Grâce à Carole aide son prochain, Silvi Tourigny a pu participer au Festival Juste pour rire et remplir les fonctions d’hôtesse au dernier gala Les Olivier. « En voyant les capsules, ils ont constaté que le personnage était intéressan­t. »

« Plus les gens découvrent Carole, plus les gens découvrent Silvi, ajoute-t-elle. Ils voient ce que je suis capable de faire. Carole aide son prochain, c’est mon cheval de Troie pour entrer dans le milieu. »

NOUVELLE RÉALITÉ

Les finissants de L’ENH savent que Youtube et compagnie ont changé la donne pour les gens dans leur position.

La plupart d’entre eux comptent bien en profiter pour se détacher du peloton et ainsi suivre le chemin emprunté par Louis T. et Silvi Tourigny.

« Aujourd’hui, je peux tourner une capsule, la monter et la mettre en ligne tout seul. C’est génial. Plusieurs humoristes percent grâce à des trucs qu’ils ont faits avec deux ou trois bouts de ficelle sur Internet », déclare Benjamin Picard, membre de la cuvée 2012 de l’établissem­ent d’enseigneme­nt.

Les futurs diplômés de L’ENH voient d’un bon oeil l’arrivée de ces nouvelles variables dans l’équation.

À 26 ans, Josiane Aubuchon partage l’enthousias­me de son collègue.

« Il y a tellement de plateforme­s : le Web, les médias sociaux, les chroniques, les blogues… On voit des humoristes partout : à la télé, à la radio… Ça joue en notre faveur. »

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Louis T. Silvi Tourigny dans la peau de son personnage, Carole aide son prochain
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