Le Journal de Montreal - Weekend
L’AILLEURS CHEZ NOUS
En période estivale, il n’est pas rare d’avoir accès à des séries américaines ou étrangères qui ont fait beaucoup jaser. Ces acquisitions nécessitent de longues négociations, font parfois l’objet de bras de fer entre stations ou sont carrément des risques
D’entrée de jeu, tous précisent que les acquisitions, bien que certaines séries soient populaires et attendues, ne représentent qu’un faible pourcentage de la programmation. «À Télé-Québec, note Geneviève Royer, directrice des acquisitions, la priorité va à la programmation jeunesse, puis à la création locale. Les acquisitions sont un complément.» Même son de cloche à Radio-Canada où Louise Lantagne, directrice générale des services français de la télévision, note que 93% du contenu à heure de grande écoute est canadien. Du côté de TVA, les acquisitions sont plus souvent d’autrement programmées en période intérimaire, soit lorsque les séries originales produites localement prennent fin. Seule V conserve une offre à l’année. «Les acquisitions font partie de la stratégie de toutes les saisons, explique Louis Pearson, chef des acquisitions chez V. Nous avons toujours une nouvelle série à proposer dans la grille.»
CHAQUE CHAÎNE SA COULEUR
Mais choisir une bonne série qui gardera le public à l’antenne est un art. Chaque chaîne a toutefois ses spécificités. «Outre la qualité des productions, nous recherchons généralement des séries dont les épisodes ne se suivent pas, avoue Louis Pearson, Il y a tellement de choix dans le paysage télévisuel qu’on ne veut pas que le public s’empêche de suivre une série s’il en a manqué le début. Souvent, les épisodes de nos séries, comme CSI New
York ou Le Mentaliste, sont indépendants, bouclés.»
«Évidemment, nous privilégions des séries de grande qualité tant au niveau du jeu, de l’écriture que de la réalisation, mais nous recherchons des séries rassembleuses et diversifiées, poursuit Louise Lantagne de Radio-Canada. En ce sens, Downton Abbey est un très bon exemple.»
«Nous avons un mandat éducatif à Télé-Québec, précise Geneviève Royer, directrice des acquisitions. Nos choix se tournent automatiquement vers des séries intelligentes, allumées, qui suscitent une réflexion. Nous cherchons aussi à faire des parallèles avec notre programmation cinéma qui est diversifiée.»
«Ainsi, nous proposons des séries britanniques, scandinaves. Les Britanniques ont des trames narratives très fortes qui dépassent les modes. S.O.S
sages-femmes ou Maîtres et Valets, par exemple. Les Scandinaves ont connu d’énormes succès au niveau des polars notamment ce qui a donné lieu à des séries, comme Wallander ou Mille
nium. Notre mandat jeunesse et familial nous a amenés à nous intéresser à
Famille Moderne qui est un complément parfait à notre programmation», poursuit-elle.
Sylvie Tremblay est directrice des acquisitions en fictions et variétés pour Contenu QMI regroupant toutes les plateformes de TVA et Vidéotron. Elle conçoit ses achats tant pour TVA, Addik et la vidéo sur demande. «Il est important de comprendre l’ADN de chaque service, note-t-elle. Pour TVA, sans aller vers des séries familiales, on vise un large public et des séries qui nous res- semblent.»
«Nous avons connu une très bonne année. Esprit criminel fonctionne bien et
Dr House a eu des cotes exceptionnelles. Mais il est très difficile de choisir une série pour la chaîne principale», ajoutet-elle.
ÊTRE À L’AVANT-GARDE
Doit-on avoir une boule de cristal pour mettre la main sur le futur succès? «La bonne nouvelle pour le public francophone c’est que le doublage nous donne un avantage, avoue Louise Lantagne. Avant d’en faire l’acquisition finale, nous voulons entendre la série doublée, s’assurer de sa qualité. Ça nous permet de nous assurer aussi de sa viabilité parce qu’on le sait, aux États-Unis, si une série ne performe pas tel que souhaité, elle est retirée des ondes après deux ou trois épisodes.»
Et le format peut aussi avoir une influence. « Vengeance a 22 épisodes. Elle a remplacé Beautés désespérées. Mais
Downton Abbey n’a que sept ou huit épisodes par saison. Nous vous avons présenté les deux premières. Nous avons acquis la 3e qui sera en ondes l’hiver prochain et espérons fortement avoir le doublage à temps pour diffuser la 4e saison dont le tournage vient de se terminer», explique Louise Lantagne.
IMPACT DE LA PROMO AMÉRICAINE
«Un succès aux États-Unis n’est pas nécessairement un gage de succès chez nous, avance Sylvie Tremblay. Nos publics sont différents. Même avec les immenses machines promotionnelles qu’ils ont. Nous pensions que
Dallas fonctionnerait bien, que c’était une valeur sûre. On parlait beaucoup aux États-Unis de cette suite. Les résultats n’ont pas été là chez nous. Mais c’est vrai que le doublage nous avantage dans nos stratégies. Nous n’avons pas la pression de devoir finaliser nos ententes sur un pilote.»
Et alors que les séries policières, puis médicales ont eu la cote, la tendance est actuellement à l’espionnage, aux prises d’otages et à la science-fiction chez nos voisins. Les comédies, par contre, voyagent très mal. «Il y a des choses très intéressantes qu’on surveille, termine Sylvie Tremblay. On cherche notre prochain Dr House! »