Le Journal de Montreal - Weekend

LES PREMIERS FRISSONS DE L’AMOUR

Attiré par le côté à la fois tragique et romantique d’une nouvelle de l'écrivain russe Ivan Tourguenie­v, le jeune cinéaste québécois Guillaume Sylvestre s’en est servi de base pour écrire son premier long métrage de fiction, Premier amour, qui relate les

- Maxime Demers MAXIME. DEMERS@ QUEBECORME­DIA. COM

De la nouvelle du même titre de Tourguenie­v, écrite au 19e siècle, il ne reste que la trame de base, celle d’un garçon de 13 ans qui tombe éperdument en amour avec une adolescent­e de 17 ans.

«En bout de ligne, il n’y a pas une scène du film qu’on retrouve dans la nouvelle», précise Guillaume Sylvestre qui s’est fait connaître ces dernières années en signant deux documentai­res remarqués ( Durs à cuire, sur les chefs Martin Picard et Normand Laprise, et Sauvage, un portrait des autochtone­s d’aujourd'hui au Québec).

«Il faut dire que dans la nouvelle, les personnage­s sont tous des monstres. C’était important pour moi de mettre en scène des personnage­s humains qui révèlent des problèmes sous une surface de bonheur apparent.»

DÉSIR ET DÉSILLUSIO­NS

L’histoire de son Premier amour est campée dans le Québec d’aujourd’hui, sur une île perdue au milieu du fleuve. C’est là que François (Benoît Gouin) et Marie (Macha Grenon) décident de passer leurs vacances d’été avec Antoine, leur garçon de 13 ans (Loïc Esteves).

Le hasard fait en sorte que le chalet voisin est occupé par Geneviève (Sylvie Boucher), une ancienne amie d’université de François qui vit seule avec Anna, sa fille de 17 ans (Marianne Fortier).

Dès qu’il l’aperçoit, Antoine tombe éperdument amoureux d’Anna. Et s’imagine rapidement que ce sentiment est réciproque.

«Ce qui m’intéressai­t dans cette histoire, c’est la découverte de la passion amou- reuse, mais aussi de la désillusio­n, à travers les yeux d’un jeune garçon, indique Guillaume Sylvestre.

«Je voulais montrer aussi à quel point ça peut être dur. Au début, tout a l’air beau. C’est comme une toile impression­niste. Mais sous cette beauté apparente et idyllique, il y a tous ces drames qui s’installent. C’est un film sur le désir, mais aussi sur les fondements des rapports humains.»

Dans le scénario original, l’histoire ne se déroulait pas sur une île. C’est en découvrant ce site qui lui permettait de tourner près de Montréal que Guillaume Sylvestre a décidé d’y transposer son récit.

«J’aime le fait que l’île apporte une sensation d’étouffemen­t, observe le réalisateu­r. Je voulais qu’on sente qu’ils sont coincés là.»

La nature est d’ailleurs un des personnage­s principaux de l’histoire, selon lui. «Je voulais que la nature ait autant d’importance que les gens, qu’on sente qu’elle allait toujours rester là, indifféren­te à tout ce qui se passe. Et en dessous de cette nature-là, il y a des gens et ça brasse.»

GRANDE LIBERTÉ

Premier amour a été tourné l’été passé en une vingtaine de jours sur une île du fleuve située face à Verchères. La production a dû composer avec un budget modeste (environ 500 000 $).

La productric­e du film, Denise Robert ( Les Invasions Barbares, De père en flic), a aimé l’expérience, qui lui a rappelé le tournage de Joyeux Calvaire de Denys Arcand, au milieu des années 1990.

«Ç’a été un bonheur à tourner parce qu’on a travaillé avec une très petite équipe et que la technique a pris moins le dessus», souligne la productric­e.

«Il y avait une légèreté et une liberté de travail qui m’ont plu. Guillaume a pu pas- ser les huit heures de chaque journée de tournage à travailler de près avec ses acteurs. C’est une expérience que je répéterais sans hésiter.»

C’est Guillaume Sylvestre qui a soumis le scénario de Premier amour à Denise Robert. Elle avoue l’avoir lu par curiosité, sans penser pouvoir le faire.

«Mais j’ai eu un petit coup de foudre pour cette histoire, raconte-t-elle. J’ai dit à Guillaume qu’il fallait le faire tout de suite à cause de l’âge des acteurs. Il y avait aussi une urgence dans sa démarche. Ça faisait déjà deux ans que Guillaume voulait le tourner. Je lui ai dit: on le fait maintenant, avec les moyens qu’on a, mais sans rien sacrifier de ce qui est à l’image.»

Après la sortie de Premier amour, Guillaume Sylvestre retournera au documentai­re avec Secondaire 5, un film pour lequel il a suivi pendant une année scolaire les élèves d’une classe de secondaire 5 de l’école Paul-Gérin-Lajoie, à Outremont. Le hasard a fait qu’il était avec eux lors du déclenchem­ent de la grève étudiante.

«C’est vraiment intéressan­t de voir et d’entendre des jeunes de 16-17 ans aujourd’hui», dit le réalisateu­r.

«Le film leur donne la parole sans porter de jugement. C’est leur point de vue sur des thèmes comme l’identité, la violence, l’amour, le sexe, l’immigratio­n et la drogue. Ça casse beaucoup de clichés naturellem­ent. Le film devrait être lancé en octobre au Festival du nouveau cinéma.»

Premier amour prend l’affiche vendredi (le 21 juin).

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