Le Journal de Montreal - Weekend

ÊTRE UNE FEMME AUJOURD’HUI

Les gazelles n’est pas une comédie de femmes comme les autres. Pas de prince charmant, pas besoin d’avoir un chum à tout prix, mais une volonté de trouver sa voie au milieu de rapports amoureux de plus en plus complexes.

- Isabelle Hontebeyri­e Agence QMI

Mona Achache ( Le hérisson), réalisatri­ce et coscénaris­te, a souhaité, avec ce long métrage adapté d’un spectacle de l’humoriste Camille Chamoux – qui incarne le rôle de Marie, le personnage principal –, «dire que le mouvement féministe a fait de grands progrès et que la place de la femme dans la société n’est pas la même qu’il y a quelques années. Du coup, cela implique des rapports différents entre les hommes et les femmes parce que, soudaineme­nt, la femme a la liberté et le choix de pouvoir partir et de voir sa vie autrement que comme on la lui a dictée.»

«Cela nous intéressai­t de disséquer les nouveaux rapports amoureux inhérents à une ère post-féministe en France. Les dommages collatérau­x de cette nouvelle liberté sont aussi par moments la solitude, par moments l’errance. Cette liberté, c’est aussi la possibilit­é d’expériment­er, comme ont toujours pu le faire les hommes, et ce que cela implique comme violence dans les échanges dans un monde capitalist­e où même les rapports amoureux donnent parfois l’impression d’être sur le marché de l’offre et de la demande.»

Pour la réalisatri­ce trentenair­e, ce portrait comique n’exclut pas «la poésie et la tendresse». Dans Les gazelles, Marie rompt avec Éric, son conjoint depuis 15 ans, alors qu’ils viennent de s’acheter un appartemen­t. Elle tente donc de trouver ses points de repère et se lance dans la vie de célibatair­e avec un mélange d’angoisse et d’enthousias­me. Avec un parti-pris de «réalisme et de manière un peu crue avec laquelle on a l’habitude d’aborder les choses», la cinéaste dresse un portrait d’une génération.

LOIN DE LA « ROMCOM »

On ne peut s’empêcher de comparer Les gazelles avec ses pendants de nos voisins du Sud, notamment Bridesmaid­s, le film de filles irrévérenc­ieux par excellence. Par contre, pas question pour Mona Achache de tomber dans les travers des comédies romantique­s hollywoodi­ennes. «Pour moi, Bridesmaid­s est beaucoup plus caricatura­l que Les gazelles. Les personnage­s y sont d’ailleurs un peu des figures, il y a la bonne copine un peu ronde, par exemple. Nous, nous ne vou- lions pas du tout être là-dedans. Après, dans Les gazelles, il y a ce côté anticomédi­e romantique américaine, car le but ultime de notre personnage n’est pas tant de trouver l’amour que de trouver ce qu’elle veut vraiment. En cela, il n’y a pas de « happy end » à la fin, on peut y voir quelque chose de beaucoup plus désespéré ou de beaucoup plus ouvert.»

Ce qui frappe d’ailleurs la réalisatri­ce, c’est la réaction du public qui diffère en fonction de son vécu. «C’est très drôle. Il y a des gens qui sortent du film en disant qu’ils ont ri, que c’est énorme et caricatura­l. Et il y en a d’autres qui ressortent en disant que c’est tellement désespéran­t, parce que c’est leur vie et que c’est un regard désespéré sur notre génération et la société.» «Aujourd’hui, on perd le sens du féminisme – qui est une volonté d’égalité entre hommes et femmes, et non pas que l’un arrive à vaincre l’autre –, mais j’entends aussi – et j’ai entendu parler de plusieurs associatio­ns au Canada – parler du fait que beaucoup d’hommes ont du mal à trouver leur place dans un monde qui, tout d’un coup, en donne une nouvelle aux femmes. Peut-être les hommes donnent-ils l’impression d’être un peu égaré dans Les gazelles, parce qu’on a peu coutume de les voir dans de seconds rôles, mais nous avions une volonté de montrer le point de vue des femmes. Je vois effectivem­ent, autour de moi, des hommes un peu perdus, qui ne savent pas quelle place ils doivent ou peuvent prendre dans un monde où les rapports sont redistribu­és.»

D’ÉGAL À ÉGAL

L’un des éléments notables de Les gazelles est que le personnage de Marie finira par nouer une relation d’égal à égal avec Janusz, l’ouvrier polonais qui devait effectuer les travaux dans l’appartemen­t qu’elle avait acheté avec Éric. «Tout au long du film, Marie va chercher à trouver où est son délire à travers des rapports sexuels ou amoureux. Mais, à travers ce personnage, dont elle ne pouvait rien attendre et qu’elle prend le temps de découvrir sans être dans ce rapport de séduction, elle va vraiment arriver à se cadrer.»

En élargissan­t le propos, Mona Achache pense-t-elle que ce qui caractéris­e la génération des femmes qui sont actuelleme­nt dans la trentaine est la découverte de leur sexualité. La clé du post-féminisme serait-elle là? «Complèteme­nt. J’ai vraiment l’impression qu’on est de plus en plus axés sur le plaisir de la femme. […] On est maintenant dans un rapport d’égalité qui fait qu’on peut commencer à parler du plaisir de la femme comme on a toujours parlé de celui de l’homme.»

Les gazelles est présenté dans les salles obscures depuis vendredi le 15 mai.

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