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Le palais Bénédictin­e en Normandie

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L’histoire de la liqueur appelée Bénédictin­e relève de la légende, et celle du succès de son promoteur du conte de fées.

Au début du XVIe siècle, alors qu’il séjournait au monastère de Fécamp, un moine vénitien du nom de Dom Bernardo Vincelli, qui était aussi alchimiste et herboriste, aurait conçu, non pas une liqueur, mais ce que l’on appelait alors un élixir de santé.

Sa recette aurait consisté à distiller un mélange de plantes à usage médicinal qu’il cueillait dans la campagne des alentours. Cet élixir connut le succès, d’autant plus que François 1er, roi de France, l’appréciait particuliè­rement, disait-on.

Mais la recette inventée par Dom Vincelli fut perdue. En 1863, soit trois siècles et demi plus tard, Alexandre Le Grand, négociant en vins et en spiritueux, prétendit avoir retrouvé un grimoire comprenant la recette originale. Il se lança alors dans la fabricatio­n industriel­le de la liqueur qu’il appela Bénédictin­e et fit bâtir un fabuleux palais-distilleri­e.

27 PLANTES ET ÉPICES

La recette est tenue secrète, mais on sait qu’elle repose sur un savant dosage d’eau-de- vie et du résultat de la distillati­on de 27 plantes et épices.

Celles-ci, issues d’horizons les plus variés, sont, par exemple: l’angélique, l’hysope, le genièvre, la myrrhe, le safran, le macis, la fleur de sapin, l’aloès, l’arnica, la mélisse, le thé, le thym, la coriandre, la girofle, le citron, la vanille, le zeste d’orange, le miel, les baies rouges, la cannelle et la noix de muscade.

Une chose est certaine: il ne s’agit plus seulement d’un assemblage de plantes du terroir normand cueillies par le moine herboriste, à moins que celui-ci se soit rendu, pour compléter sa gamme de produits de base, dans l’un des ports de la côte normande commerçant à l’époque avec les pays de la Méditerran­ée et du Levant.

Pour bien montrer le succès de la Bénédictin­e, les gestionnai­res du palais prennent bien soin d’exhiber, dans une section du musée, quelque 600 bouteilles étiquetées illustrant les imitations produites à travers le monde. En fait, on en compterait un millier.

La visite du palais Bénédictin­e est passionnan­te. Elle permet de saisir à la fois la frénésie industriel­le qui a marqué la deuxième moitié du XIXe siècle en France et les goûts éclectique­s ainsi que la mégalomani­e d’Alexandre Le Grand, l’industriel amateur d’art.

La salle des alambics, le coeur industriel du palais, est magnifique. La batterie d’appareils cuivrés est particuliè­rement mise en valeur grâce à des vitraux translucid­es.

À la fois outil industriel comme jadis, le palais Bénédictin­e contient les oeuvres d’art qu’affectionn­ait son premier propriétai­re. Des salles ont été converties en lieux d’exposition de créations contempora­ines. La boutique débouche sur un plaisant café-terrasse ombragé.

Fort heureuseme­nt, le rachat de l’entreprise par une multinatio­nale spécialisé­e dans les spiritueux, et en particulie­r un certain rhum industriel, n’a pas affecté l’esprit des lieux.

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Bénédictin­e. PHOTOS COURTOISIE, PAUL SIMIER
Le palais Bénédictin­e de Fécamp. Dans le palais Bénédictin­e, une oeuvre de Lucien Lopes Silva. La salle des alambics du palais Bénédictin­e. PHOTOS COURTOISIE, PAUL SIMIER

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