Le Journal de Montreal - Weekend

La télé canadienne, cette belle inconnue

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Auriez-vous imaginé il y a dix ans tout le contenu actuelleme­nt disponible sur votre téléviseur, votre tablette ou votre téléphone? Pensez alors à ce qu’il sera dans cinq ou dix ans, le contenu audiovisue­l augmentant de façon exponentie­lle chaque année. Quelle place restera-t-il pour notre télévision, qu’elle soit de langue française ou anglaise? Ne sera-t-elle pas submergée? Presque impossible à repérer dans le tsunami perpétuel d’images provenant de tous les pays?

À l’automne, le CRTC tiendra un grand forum intitulé «Le sommet de la découverte». Ceux qui y seront conviés chercheron­t les moyens de faire connaître notre télévision. Aux Canadiens d’abord, surtout aux Canadiens anglais qui sont nombreux à la snober, puis au monde entier ensuite. Le défi est de taille. Pour l’instant, c’est un peu une patate chaude, personne ne sachant exactement comment l’aborder.

Nous sommes loin d’être les seuls à nous poser la question.

À Las Vegas, en avril dernier, à la conférence nationale des diffuseurs américains, un panel d’experts en est venu à la conclusion que le contenu audiovisue­l dont l’image de marque sera la plus forte sera celui que les téléspecta­teurs regarderon­t en priorité. Ces experts ont même été lapidaires dans leur prédiction: «Dans quelques années, c’est le contenu le plus connu, quel qu’il soit, qui sera numéro 1!»

Y A-T-IL DE L’ESPOIR ?

Si on prend leur conclusion à la lettre, il n’y a vraiment d’espoir que pour la télé américaine et pour les contenus créés par des entreprise­s comme Netflix, Google ou Apple. Elles peuvent consacrer autant d’argent à la promotion qu’elles en investisse­nt en production. L’image de marque de ces géants est si forte que des séries comme House of Cards ou Orange is the New Black passent pour des chefsd’oeuvre, alors qu’elles ne cassent rien.

Il y a quelques semaines, j’ai écrit que les réseaux sociaux finiront par remplacer les magazines qui publient les nouvelles et les horaires de télé. C’est évident que ces réseaux vont jouer un rôle important dans le choix d’émissions qu’on fait, mais ils vont aussi accentuer l’écoute de la télé dont l’image de marque est la plus forte.

Oubliez l’image de marque d’un réseau. Elle joue déjà très peu et n’aura plus aucun effet sur leur écoute dans quelques années. Les téléspecta­teurs ne syntonisen­t plus TVA ou Radio-Canada, ils choisissen­t une émission en particulie­r et se moquent du réseau ou de la chaîne qui la diffuse.

QUE DIT-ON DE NOTRE TÉLÉ ?

Quand tous nos téléviseur­s seront des appareils «connectés», on ne fera plus de différence entre une émission qu’on reçoit par voie des airs, par le câble, le satellite ou par internet. Pour le commun des mortels, ce sera du pareil au même. De là, l’importance primordial­e pour notre télévision d’avoir une solide image de marque pour se différenci­er.

Que pense-t-on à l’étranger de la télévision que l’on fait chez nous? À vrai dire, pas grand-chose. Aux États-Unis, malgré le succès d’une série comme Flashpoint, par exemple, la télé canadienne, c’est une télé qui ne coûte pas trop cher et qu’on diffuse l’été. Comme disent les Anglais, c’est de la télé de «land fill», de la télé de remplissag­e.

L’image de marque de notre télévision est si pâlotte que la plupart du temps on oublie sa participat­ion lorsqu’il y a coproducti­on. À l’étranger, Les Borgias ou The Book of Negroes, qui n’auraient pas existé sans la participat­ion canadienne, sont des séries «américaine­s».

LA TÉLÉ QUÉBÉCOISE

L’image de la télévision québécoise n’est guère plus forte. Si elle rayonne un peu au MIPTV de Cannes, elle est à peine présente à Banff, qui fait toujours une place d’honneur à la télé américaine, la numéro 1.

Le cinéma québécois occupe peu de place sur nos écrans. De cinq à sept pour cent seulement, mais il a réussi à se bâtir une image de marque enviable grâce à une série de succès dans des festivals importants et à la cérémonie des Oscars. C’est la route que doit suivre notre télévision si elle veut survivre et rayonner.

«L’image de marque, dit Jeff Bezos, le PDG d’Amazon, c’est ce qu’on raconte sur vous quand vous êtes absent!»

Pour l’instant, on ne dit pas grand mal de notre télévision. Pire, on n’en parle pas ou peu. On investit beaucoup d’argent public dans la production. Il faudra en divertir une partie importante vers la promotion si notre télé doit s’affirmer à l’étranger. Une image de marque ne se construit pas avec des prières et des voeux pieux.

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