Le Journal de Montreal - Weekend

UNE FAMILLE QUÉBÉCOISE

- Emmanuelle Plante Collaborat­ion spéciale

Il y a des émissions qui font partie de notre ADN. C’est le cas de Quelle famille!, diffusée sur les ondes de Radio-Canada entre 1969 et 1974. On y retrouvait la famille Tremblay dans son quotidien, où, à table, tout le monde avait la parole sans tabous, à l’image de ce que Janette Bertrand avait déjà installé depuis le début de sa carrière.

« Quelle famille! était dans la continuité de Toi et moi, que j’avais écrit pour Jean (Lajeunesse) et moi dans les années 1950, qui était en quelque sorte l’ancêtre d’Un gars, une fille » , évoque Janette Bertrand. «Radio-Canada était venue nous chercher.»

On y retrouvait les Tremblay, un couple avec cinq enfants, leur chien et leur entourage. «J’y abordais des questions sociales comme les conflits génération­nels, l’éveil amoureux», poursuit-elle. «Tout ça part de mon courrier du coeur, que j’ai tenu pendant 17 ans, dans lequel les gens, hommes comme femmes, partageaie­nt leurs problèmes, leurs malaises. C’est ce qui a teinté tout ce que j’ai fait.»

«Et avec Quelle famille!, je suis fière d’avoir donné la parole aux enfants. C’était très nouveau. On y dépeignait la réalité de problèmes de couple, d’une femme qui veut travailler. On était des pionniers, en quelque sorte, en parlant de problèmes dont, comme le disait mon père, on ne se parle qu’en dessous de la couverture. Il faut d’ailleurs se rappeler qu’au début, l’émission était très très mal vue. Il a fallu connaître le succès en France pour que les journalist­es d’ici se mettent à en parler.»

En effet, Quelle famille! a commencé à la fin de la Révolution tranquille. À la maison, les enfants n’avaient pas l’habitude de répondre à leurs parents, les femmes n’avaient pas encore investi le marché du travail. «Les femmes d’ici me prévenaien­t qu’elles ne laissaient pas leurs enfants regarder l’émission, la première année. Mais en France, où l’émission était aussi diffusée, le succès a été instantané. C’était très nouveau, on découvrait l’Amérique.»

LES TREMBLAY EN FRANCE

«On a fait une tournée de la francophon­ie (France, Suisse, Belgique) où était présentée l’émission et on se faisait reconnaîtr­e partout, se souvient Isabelle Lajeunesse, interprète d’Isabelle et véritable fille de Janette Bertrand et de Jean Lajeunesse. À Nice, sur la plage, les gens couraient après nous. Même chose sur les Champs-Élysées, où il y avait un attroupeme­nt autour de nous. Il faut dire que nous étions assez reconnaiss­ables. Mon père mesurait 6 pi 4 po et il était rare de voir un enfant aussi jeune que mon frère à la télévision.»

«En entrevue, mon frère était d’ailleurs tordant. Il disait parler quatre langues: le français, l’anglais, le joual et le franglais. Sinon, les jeunes nous disaient qu’ils nous trouvaient chanceux parce que nous avions des sous-sols!», se souvient la comédienne. Les jeunes, nous nous retrouvion­s souvent au sous-sol.»

«Les Français aimaient notre spontanéit­é», poursuit Janette Bertrand. «Ils parlaient beaucoup de Martin, le “petit tannant”, de son naturel.»

ENTRE FICTION ET RÉALITÉ

Longtemps, le public a aussi confondu la réalité et la fiction de cette série avantgardi­ste. «C’était de la fiction, explique Janette Bertrand. Fernande n’était pas moi. Elle commençait à se révolter doucement, elle voulait travailler. Par contre, c’est vrai qu’il y avait une grande partie de la famille en ondes. Jean et moi, Martin, que je ne pouvais pas faire garder, Isabelle, qui faisait répéter depuis longtemps les textes à Jean et qui souhaitait être comédienne. Mais elle a passé une audition. Et Macaire, notre chien.»

«À 16 ans, j’ai supplié mes parents de me laisser passer l’audition, raconte Isabelle. Ils n’étaient pas trop d’accord au début, craignant qu’on me reproche d’avoir eu le rôle grâce à eux. Le personnage d’Isabelle avait 13 ans. J’ai travaillé fort, je me suis fait coacher par Gaétan Labrèche. Je savais que les autres jeunes actrices sortaient des écoles de théâtre. Le réalisateu­r, Aimé Forget, a rassuré mes parents en leur disant que j’étais vraiment la meilleure.»

Si certains sujets étaient inspirés de leur quotidien à la maison, Isabelle Lajeunesse confirme aussi que c’était de la fiction. «Les valeurs étaient communes, mais les situations étaient fictives.»

VEDETTES MONTANTES

Outre Martin et Isabelle, Joanne Verne (Marie-Josée), Ghislaine Paradis (Nicole) et Robert Toupin (Germain) complétaie­nt la distributi­on du noyau familial. Une expérience inespérée pour le jeune comé-

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