Le Journal de Montreal - Weekend
GUILLAUME CANET UN MONSTRE ORDINAIRE
L’affaire remonte à 1978 et 1979 alors qu’un tueur en série prenant de jeunes femmes pour cible terrorise un département du nord de la France. Or, ce monstre est un homme normal, policier de son état et incarné par Guillaume Canet. Le réalisateur Cédric A
Franck (Guillaume Canet) est un flic audessus de tout soupçon. Mais, régulièrement, il se transforme en tueur, assassinant sans raison de jeunes filles rencontrées par hasard. Montrer les événements de ce fait divers réel (l’affaire Alain Lamare) du point de vue du criminel est un parti pris que Cédric Anger a eu dès l’écriture du scénario qu’il a par la suite porté au grand écran.
«C’est venu tout de suite. Je n’avais pas envie de faire un film de tueur en série et je voulais éviter le côté “traque”, c’est-àdire qu’on cherche qui sait, puis, au bout d’une heure et demie de film, on s’aperçoit que c’est un collègue et la surprise dure cinq minutes. Dès que j’ai lu les documents sur ce cas, c’est le personnage qui m’a intéressé, son caractère si particulier, son rapport à la beauté et à la laideur, à la nature et à l’enfermement, bref, ses contradictions. Je trouvais le personnage beaucoup plus riche que cette enquête et j’ai eu envie de faire un film portrait plutôt qu’un film d’enquête», a détaillé celui qui a basé son scénario sur Un assassin au-dessus de tout soupçon d’Yvan Stefanovitch.
À LA PLACE DU PERSONNAGE
Cédric Anger a pris soin de ne pas écrire le rôle de Franck avec un acteur en tê- te… surtout Guillaume Canet! Ainsi qu’il l’a confié, «même si nous nous connaissons depuis longtemps avec Guillaume et que nous avions envie de faire quelque chose ensemble, quand j’écris, je veux vraiment être à la place du personnage. C’est toujours dangereux de penser à quelqu’un pendant des mois, on risque de se faire dire “non” et on se retrouve alors un peu bloqué [rires]. De plus, à l’écriture, c’est un long métrage qui s’est fait par le personnage, pour se mettre au plus près de ses sensations.»
«Ce qui est intéressant c’est qu’après, sur le plateau, comme j’avais fait ce travail de me mettre à la place [de Franck], quand Guillaume se posait des questions sur des gestes, sur des phrases, etc., j’avais tout de suite la réponse. C’est un avantage quand on écrit ses scénarios, sur le plateau, on a un peu réponse à tout! Ça ne veut pas dire qu’on est fermé aux propositions, au contraire, mais on devient une sorte de bible du personnage.»
LA « FRENCH TOUCH »
Chez nous, L’affaire SK1, qui relate également une affaire réelle de tueur en série français, est arrivée il y a quelques semaines sur les écrans. Et, tant dans ce long métrage que dans La prochaine fois, je viserai le coeur, les meurtres sont montrés avec sobriété et le tueur n’est, somme toute, qu’un homme ordinaire, au contraire des films et séries télévisées américains. Cédric Anger croit que cette différence s’explique par deux facteurs.
«Je pense que cela tient au fait que, dans la culture du thriller et du polar anglo-saxon, le tueur est toujours travaillé sur deux aspects, qui sont, ou le traumatisme de l’enfance et sa répétition, ou la loi d’Hitchcock, qui veut que le méchant soit réussi. Du coup, on a un tueur en série qui a du style. Nous, la force de notre personnage, c’est que c’est un tueur en série amateur. Finalement, cette quotidien- neté – ce côté brouillon – est beaucoup plus effrayante qu’un tueur de cinéma. C’est son amateurisme, son aspect voisin et familier qui font sa force.»
«C’est ce que j’aime dans les faits divers. Un fait divers, ce n’est pas un suspense, ce n’est pas un genre cinématographique. C’est dans la vie, c’est le voisin, c’est quelque chose qui est à hauteur de la vie de tous les jours et qui vient de la réalité. Forcément, il faut travailler sur le quotidien», a-t-il expliqué. La prochaine fois, je viserai le coeur est présenté sur les écrans du Québec dès le 31 juillet.