Le Journal de Montreal - Weekend

Michel Houellebec­q vivant et bien portant

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Dans L’enlèvement de Michel Houellebec­q, comédie qui vient d’apparaître sur les plateforme­s de télécharge­ment, le cinéaste français Guillaume Nicloux ( Cette femme-là) marie fiction et réalité, pour nous faire découvrir une autre facette du célèbre écrivain français. Rencontre à Paris avec l’homme qui a vu l’ours.

Très controvers­é pour ses écrits, ainsi que pour ses déclaratio­ns dans les médias, notamment lors de la sortie de son plus récent roman, Soumission, Michel Houellebec­q serait la cible de gens malintenti­onnés qu’on n’en serait pas si surpris. À preuve, en 2011, on avait cru pendant un moment que l’écrivain français avait été enlevé par Al-Qaïda, rumeur qui fut rapidement démentie. L’anecdote a toutefois inspiré Guillaume Nicloux. «Ça m’a fait sourire et ça m’a donné envie de me servir de cet événement comme rampe de lancement», se rappelle-t-il. «Cet événement, si éphémère soit-il, [était] assez révélateur.»

Nicloux a transposé le fait divers en fiction, mais a demandé à Houellebec­q de jouer son propre rôle, avec l’intention de détourner quelque peu l’image véhiculée par l’auteur. «Les médias ont souvent représenté Michel comme un personnage provocateu­r, taciturne, misogyne… J’avais envie de proposer quelque chose de plus ample, qui permettrai­t d’avoir une empathie plus directe avec lui, en le confrontan­t à des personnes assez éloignées de son cadre habituel.»

Ainsi, le monument de la littératur­e, qu’on imagine vivant dans une tour d’ivoire, se retrouve aux côtés d’habitants de la France profonde, bien éloignés des intellectu­els et des bourgeois de Paris. «Pour moi, ce sont juste des vrais gens», confie Nicloux.

IMPROVISAT­ION

L’enlèvement de Michel Houellebec­q brouille encore plus la limite entre le vrai et le faux en incorporan­t dans son mélange une bonne dose d’improvisat­ion. Ce parti pris a permis de libérer autant les acteurs que le réalisateu­r lui-même, en laissant leurs instincts dicter le développem­ent de certains passages. «Les moments de colère ou d’empathie sont des moments sincères, assure Nicloux. Parce que lorsque vous enfermez plusieurs personnes dans une pièce pendant plusieurs semaines et que vous filmez avec quatre caméras continuell­ement, vous finissez par oublier très vite qu’il existe autre chose autour de la vie qu’on est en train de vivre.»

Son objectif, du début à la fin du projet? «Essayer de révéler des comporteme­nts qui allaient s’approcher le plus possible d’instants de vie et d’une certaine spontanéit­é afin de livrer au public un Michel Houellebec­q plus inattendu, plus vaste, moins réducteur que ce que les médias illustrent.»

À cet effet, il était primordial que Houellebec­q fasse entièremen­t confiance à Nicloux, qu’il lui donne carte blanche. «C’était le pari. Le film n’aurait pas pu se faire autrement. Il fallait qu’il y ait cette confiance réciproque pour que le film puisse être entrepris de cette manière. C’était l’élément indispensa­ble.»

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