Le Journal de Montreal - Weekend
À L’ASSAUT DU MONT CHIRRIPÓ
SAN GERARDO DE RIVAS | L’ascension du mont Chirripó, le plus haut sommet du Costa Rica à 3820 m, est une randonnée plus ou moins exigeante en saison sèche. Lorsque la pluie se met de la partie, le défi se transforme toutefois en véritable aventure!
Un déluge se déversait sur la région depuis une dizaine de jours, reste d’un ouragan qui balayait les Caraïbes. En fait, le pays n’avait pas vu une telle quantité d’eau tomber du ciel depuis plus de 75 ans. Malgré tout, j’étais entêté à toucher la cime de cette montagne.
J’avais tellement d’adrénaline dans le corps que je me voyais dévorer les dix kilomètres me séparant du refuge principal comme une fusée, et ce, malgré le dénivelé de près de 2500 m. La route est pentue, mais nullement technique.
MER DE BOUE
Les premiers pas pour atteindre le début du sentier sont vifs et francs. La suite s’apparente plutôt à une bataille constante pour avancer un pied, pris au piège dans une mer de boue gluante. J’ai de la vase par-dessus les chevilles, ce qui triple les efforts et le temps de marche.
Les pluies torrentielles ont repris de plus belle. Après quatre heures de combat sans relâche, j’arrive enfin à proximité du premier arrêt, un abri nommé Llano Bonito, situé à mi-parcours. Guignard à l’extrême, la cabane est en reconstruction, sans toit ni murs!
Résigné, je m’apprête à rebrousser chemin quand le chef non officiel du groupuscule d’ouvriers m’invite à passer la nuit dans leur baraque de tôle. Au point où j’en suis…
DERNIER DROIT
Une nuit allongé sur des planches n’est pas synonyme de confort cinq étoiles, mais je ne peux qu’être reconnaissant envers mes sauveurs, Jorge, Alejandro, Braulio et Rodolfo. Cet air cru matinal et ces rares rayons de soleil me donnent l’énergie nécessaire pour reprendre la route.
Une fois sorti de cette forêt de nuages, le terrain devient sec au coeur du páramo, cette toundra alpine aux arbres rabougris. J’accélère la cadence malgré un ventre vide, résultat des rations limitées causées par cet arrêt nocturne imprévu.
J’aperçois en moins de deux le refuge Los Crestones, ma cible initiale. J’y dépose mon barda et j’attaque tout de go le sommet du Chirripó. Par temps clair, il est possible de voir de là-haut à la fois la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique.
Vu ce brouillard épais comme une soupe aux pois, je me contenterai de zieuter les lacs glaciaires des environs. Ne me reste plus maintenant qu’à descendre ce fleuve abrupt de glaise jusqu’à mon point de départ…