Le Journal de Montreal - Weekend
La renaissance d’un phénomène télévisuel
Barrez les portes et fermez les rideaux. Après neuf ans d’abstinence, Bleu nuit reprend du service. L’émission nocturne ayant marqué plusieurs générations de préadolescents ressuscite ce soir sur Prise 2. Nous avons analysé ce retour avec Éric Falardeau,
Le programme qui, chaque week-end de 1986 à 2007 titillait son auditoire en offrant un film «sensuel» habituellement peu crédible, renaît avec Emmanuelle 4, un classique du genre, extrait d’une série culte de softcore porn popularisée par Sylvia Kristel. Au cours des semaines suivante, Prise 2 prévoit notamment Histoire d’O (1975), Le dernier tango à Paris (1972), Je prends la chose… du bon côté (1975) et Body Heat (1981). Les téléspectateurs auront également droit à Fatal Attraction (1987), Body of Evidence (un thriller érotique de 1993 avec Madonna), Showgirls (1995) et Femme fatale (une réalisation de Brian De Palma de 2002).
Comme plusieurs Québécois, Éric Falardeau a été étonné d’apprendre que Bleu nuit revenait en ondes. Dans leur livre paru en 2014, le cinéaste et Simon Laperrière, son coauteur, avaient commenté la (première) mort de Bleu nuit ainsi: «Dans un paysage audiovisuel de plus en plus explicite, sa programmation a tranquillement perdu sa raison d’être.»
«On est rendu ailleurs, déclare Éric Falardeau en entrevue au Journal. Bien qu’ils méritent dans certains cas d’être redécouverts, ces films s’adressent à qui aujourd’hui?»
LE RETOUR DU BALANCIER
Point positif: le retour de Bleu nuit survient en plein coeur de la résurgence d’un érotisme moins graphique, indique Éric Falardeau. Pour étayer son propos, le réalisateur cite notamment des expositions, des magazines, des livres ( Travaux manuels, un recueil de nouvelles dirigé par Stéphane Dompierre) et même des sites web (jesuisvenu.com) qui jouent la carte du sexe avec davantage de retenue.
«C’est un retour du balancier. Ça montre qu’on veut se repositionner après avoir tout exhibé et tout vu. C’est arrivé au cinéma d’horreur. Après une période très graphique au début des années 2000 avec beaucoup de torture porn, on préfère maintenant les films qui montrent peu de choses, mais qui sont tout aussi effrayants», indique Éric Falardeau.
NOUVELLE GÉNÉRATION
Le Bleu nuit de Prise 2 propose une programmation bonifiée de quelques films sortis au cours des dernières années, comme Aimez qui vous voulez, version française de Happy Few, un drame érotique français signé Antony Cordier sorti en 2010. Le suspense surnaturel canadien Éternelle, mettant en vedette Caroline Néron, sera également présenté.
Parmi les productions récentes qui mériteraient d’être diffusées à Bleu nuit, Éric Falardeau mentionne Lie to Me, un long métrage canadien doté de quelques scènes de sexe particulièrement explicites. La version «plus clean » de Nymphomaniac, ce film controversé de Lars Von Trier paru en 2013, fait aussi partie du lot, tout comme Q, ce long métrage français de Laurent Bouhnik sorti en 2011. Prise 2 présente Bleu nuit les samedis à 23 h. Le livre Bleu nuit: histoire d’une cinéphilie nocturne d’Éric Falardeau et Simon Laperrière est paru aux éditions Somme toute.