Le Journal de Montreal - Weekend
JE RATATINE
«Je sais qu’il y a des vieux qui sont malades et pauvres, pour qui la vie est un fardeau et qui demandent tous les jours au Bon Dieu de venir les chercher. Ce n’est pas mon cas. Depuis que j’ai été alitée durant un an dans un sanatorium et que j’ai cru y laisser mes vingt ans, j’aime vivre, même si parfois je trouve les échecs et les peines difficiles à avaler. Je me dis alors que je suis chanceuse d’être vivante et d’avoir un amoureux, des enfants merveilleux, des petits-enfants attachants, des amis sincères, plein de gens qui m’aiment et me le disent. De plus, j’ai une passion, des passions, des projets. Je suis jeune! Mon corps me ramène vite à la réalité. Mon coeur est jeune, mais mon corps, lui, vieillit. J’épaissis, je plisse comme une vieille pomme. Je ratatine. J’oublie le nom de mon amoureux. Je retourne quatre fois à la cuisine pour chercher ce que j’ai oublié.»