Le Journal de Montreal - Weekend

OKAVANGO, LE FLEUVE FERTILE

Au nord-ouest du désert du Kalahari, au nord du Botswana, un miracle de la vie et de la biodiversi­té s’opère en des lieux sauvages et préservés.

- Benjamin DY Collaborat­ion spéciale

Des eaux venues des hautes montagnes de l’Angola à quelques milliers de kilomètres de là, viennent non pas se jeter dans la mer, mais dans un désert où elles s’infiltrent progressiv­ement dans les sables.

Fantastiqu­e et atypique vision, l’Okavango, ce grand cours d’eau d’Afrique australe, se disperse alors en une multitude de rivières puis ruisseaux qui semblent couler au sens contraire d’un bassin versant convention­nel. Cette quantité d’eau prodigieus­e qui vient se perdre dans les sables du désert du Kalahari est le socle d’une explosion de vie hors du commun.

Ici, les ressources végétales sont suffisante­s pour accueillir d’immenses troupeaux d’éléphants et de buffles ainsi que de très nombreux hippopotam­es, absents dans le reste du pays. D’importante­s concentrat­ions de zèbres et d’innombrabl­es impalas soutiennen­t de nombreuses population­s de prédateurs comme les lycaons, lions, guépards et léopards.

C’est un véritable jardin d’Éden.

LA CHASSE

Un soir, alors que je m’apprête à monter l’échelle qui mène à ma tente sur le toit de mon véhicule, une bande d’impalas affolés passe à une quarantain­e de mètres dans de vertigineu­x bonds désynchron­isés.

Pas de doute, ce groupe est chassé par un prédateur qui profite du crépuscule pour s’embusquer.

Soudain, les branches craquent et des cris d’agonie percent dans le bush environnan­t. Silence. Puis, les craquement­s reprennent, dans les branches élevées d’un arbre cette fois-ci. Furtif et invisible, le léopard monte sa proie sur les solides branches d’un acacia pour la mettre à l’abri des agressives hyènes tachetées, qui ne tarderont pas à arriver, guidées par l’odeur du sang frais. Ne discernant plus nettement les silhouette­s qui m’entourent, je décide d’aller rapidement me coucher par sécurité.

UN TROUPEAU D’ÉLÉPHANTS

Dès l’aube, alors que je longe le cours d’une petite rivière au nord du delta, je rencontre un groupe d’éléphants.

Du haut de leurs 4 mètres pour 6 tonnes, ces mastodonte­s s’imposent sur cette petite piste et j’attends qu’ils finissent de rejoindre la rivière avant de poursuivre ma route.

Un peu plus loin, un attroupeme­nt de hyènes tachetées attire mon attention dans une petite clairière en surplomb de la rivière. En approchant, je remarque une lionne couchée dans l’herbe, puis une autre, et enfin un lion dissimulé près de la carcasse d’un zèbre qu’ils ont tué dans la nuit. Tout est calme. Les premiers rayons du jour éclairent la robe fauve de ces magnifique­s félins rassasiés. De l’autre côté de la rivière, des impalas s’enfuient. Un groupe de lycaons passe en lisière avant de rapidement regagner le bush.

C’est un endroit magique où la vie sauvage est reine et je me sens en harmonie parfaite avec ce qui m’entoure.

PATRIMOINE DE L’UNESCO

La concentrat­ion et la diversité de la vie en ces lieux sont intenses et il n’est pas surprenant que le delta du fleuve Okavango ait rejoint la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en juin 2014 où il figure désormais comme 1000e site.

Chaque année, cet immense delta est fertilisé par les limons charriés par la crue du fleuve, qui arrive au coeur de la saison sèche en juillet et août. Les pluies qui s’abattent violemment sur les

montagnes de l’Angola au Nord mettent en effet des mois pour parvenir au coeur du delta après la saison des pluies. Ainsi, le maintien de zones marécageus­es est ici permanent et la disponibil­ité en eau constante.

Le delta de l’Okavango est donc une réserve de biodiversi­té des plus essentiell­es à la protection du patrimoine naturel d’Afrique australe.

Observer ces eaux cristallin­es glisser vers les sables et s’y infiltrer, voir la végétation luxuriante du delta créer de vastes habitats pour certaines des espèces de mammifères les plus menacées et charismati­ques du monde, entendre l’interactio­n animale au sein de la nuit d’encre au coeur du bush, est un véritable pèlerinage naturalist­e que tout passionné devrait entreprend­re.

Ici plus qu’ailleurs, la pulsation de la vie est palpable, presque saisissabl­e. L’eau révèle ici toute son importance face au support de la vie. Instantané­ment. Ce delta est un paradis. Y respirer, y réfléchir, est un véritable privilège.

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 ??  ?? Benjamin Dy est biologiste et photograph­e de faune sauvage. Il revient tout juste d’un séjour en Afrique, où il a pu observer les joyaux du continent noir.
Benjamin Dy est biologiste et photograph­e de faune sauvage. Il revient tout juste d’un séjour en Afrique, où il a pu observer les joyaux du continent noir.
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PHOTOS COURTOISIE BENJAMIN DY ∫ 1. Un éléphantea­u suit docilement les aînés de sa famille. ∫ 2. Le léopard, à l’instar des autres grands fauves d’Afrique, est un chasseur redoutable. ∫3. Pour survivre, le lycaon profite de la présence des zèbres et des impalas dans les terres...
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