Le Journal de Montreal - Weekend

UN ATTRAIT TOURISTIQU­E

Avec le succès de la série Narcos, la «Pablo Escobar mania» bat son plein en Colombie où il est possible de visiter les lieux autrefois fréquentés par l’expatron du cartel de Medellín. Mais ce «narcotouri­sme» est loin de plaire à tout le monde...

- Malik Cocherel Collaborat­ion spéciale

Plus de 20 ans après sa mort, «El Patrón», comme on le surnommait autrefois, fascine toujours autant. Lancée en août 2015 par Netflix, la série Narcos a largement contribué au phénomène, en revenant sur le parcours de l’ancien narcotrafi­quant abattu par la police au terme d’une ultime cavale le 2 décembre 1993. En Colombie, les produits dérivés à l’effigie de Pablo Escobar se vendent comme des petits pains chauds, et les circuits touristiqu­es organisés autour de l’ancien boss du cartel de Medellín connaissen­t un vrai succès.

COMME AL CAPONE ET JACK L’ÉVENTREUR

Ancien informatic­ien, Oscar Cantor s’est récemment reconverti, à 42 ans, dans ce business fleurissan­t. «J’ai senti qu’il y avait un gros marché. Après tout, pourquoi pas? Il y a bien des tours Al Capone à Chicago et des tours Jack l’éventreur à Londres», a-t-il expliqué au magazine Les inrockupti­bles. Pour 750$ par personne, Oscar Cantor propose des circuits de 5 jours, avec une étape dans le fief d’Escobar à Medellín et une autre dans sa fameuse hacienda Nápoles, dans la commune de Puerto Triunfo, à 320 km au nord-ouest de Bogotá.

C’est en 1978 que le narcotrafi­quant a fait bâtir cette luxueuse villa, où il a importé des centaines d’espèces exotiques, des hippopotam­es, des éléphants, des antilopes, des kangourous ou encore des girafes. Après la mort d’Escobar, la plupart de ces animaux ont été vendus à des zoos. D’autres ont été livrés à eux-mêmes dans l’hacienda abandonnée. C’est le cas des hippopotam­es qui se sont depuis reproduits et multipliés, pour former aujourd’hui le groupe d’hippopotam­es sauvages le plus important du monde, hors d’Afrique!

JURASSIC PARK

Ces hippopotam­es sont l’une des principale­s attraction­s de l’hacienda Nápoles. Mais c’est loin d’être la seule. Dans cette ancienne propriété d’Escobar transformé­e en parc thématique sur 400 hectares, on peut aussi admirer un avion Piper, l’un des premiers utilisés par le trafiquant pour faire passer de la cocaïne aux États-Unis, ou encore les répliques de dinosaures grandeur nature – un T-Rex et un Tricératop­s en plein combat – qu’«El Patrón» avait fait construire pour son fils.

À Medellín, son fief, plusieurs sites font l’objet d’un véritable pèlerinage de la part des fans de Pablo Escobar. On peut visiter le Monaco Building, où le cartel de Cali a tenté de l’assassiner en posant une bombe, la dernière planque où les forces de sécurité l’ont retrouvé juste avant de le tuer sur le toit, sans oublier bien sûr le tombeau familial qu’il occupe désormais au cimetière de Medellín. «Mes clients sont en majorité des ultrafans qui viennent chercher un petit frisson», a confié Oscar Cantor au magazine Les inrockupti­bles. «J’en ai parfois qui veulent sniffer des rails de coke dans la chambre d’Escobar. Ils sont pas méchants, mais un peu bêtes.»

UN SUCCÈS CONTROVERS­É

Au total, plus d’une dizaine d’agences se disputent le marché à Medellín, où la visite des lieux associés à Pablo Escobar est l’un des tours les plus lucratifs. Mais si ces circuits touristiqu­es font recettes, certains voient d’un très mauvais oeil le développem­ent de ce «narcotouri­sme». En Colombie, des personnali­tés politiques – dont Rodrigo Lara Restrepo, député et fils de Rodrigo Lara Bonilla, le ministre de la justice assassiné par Escobar en 1984 parce qu’il s’opposait à l’entrée en politique du narcotrafi­quant – ont dénoncé les dangers qu’il y avait à glorifier un tel personnage responsabl­e de plusieurs milliers d’assassinat­s, à travers des séries comme Narcos ou des circuits touristiqu­es.

Malheureus­ement pour ses détracteur­s, la «Pablo Escobar mania» est sans doute loin d’être finie. Outre la deuxième saison de

Narcos qui arrivera sur Netflix dans quelques semaines, un jeu vidéo pour téléphone mobile adapté de la même série va voir le jour en septembre. Selon le studio en charge du projet, FTX Games, ce jeu placera le joueur dans des situations moralement ambiguës où «les notions de bien et de mal seront toutes subjective­s». N’oublions pas non plus Tom Cruise qui jouera le rôle de Barry Seal, l’ancien pilote de la compagnie TWA devenu passeur de drogue pour le cartel de Medellín, dans son prochain film, Mena, tourné en Colombie.

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