Le Journal de Montreal - Weekend
LES TRÉSORS D’ANTICOSTI
Comment parler d’Anticosti sans évoquer une sorte de paradis terrestre perdu dans le golfe du Saint-Laurent? Paradis convoité par le chocolatier français Henri Menier et les compagnies d’exploitation forestière et qui aujourd’hui est dans la mire des prospecteurs de pétrole.
Sauvage, grandiose et pure… On ne saurait qualifier autrement cette grande île boisée qui s’étend sur 222 km de long par 56 de large (16 fois l’île de Montréal), qui est également l’oasis des amateurs de pêche, de chasse et amants de la nature.
De l’aéroport de Port-Menier, nous sommes partis sur la trans-anticostienne, une route non asphaltée qui traverse l’île sur toute la longueur. Nous avons roulé vers le nord jusqu’à Vauréal, où nous attendait un accueillant chalet de bois, à l’embouchure de la rivière Vauréal. Tous les soirs, au retour de nos escapades, nous y observions les phoques et les oiseaux de mer sous un ciel qui se colorait de doré, de rouge et de violet. Le joyau de Vauréal est la chute du même nom qui tombe, tel un rideau de tulle, dans un canyon aux parois escarpées de plus de 90 m de hauteur et de 3 km de long. Nous aurions pu marcher au fond du canyon, mais nous l’avons admiré à partir d’un promontoire.
L’île d’Anticosti est dentelée d’anses et de baies, aux noms poétiques (Anse à la vache qui pisse, Anse aux fraises…), dont la plus spectaculaire est probablement celle de Baie de la Tour: deux falaises immenses ceinturent une baie tranquille, dont les eaux sont plus bleues que celles des Caraïbes. Un sentier pédestre sur le cap permet d’admirer ce spectacle inouï. Tôt le matin, nous avons pêché, au son des pics-bois, sur le lac voisin qui est séparé de la mer par une bande de sable (Anticosti compte plus de 400 lacs et tourbières). La Baie de la Tour est un important site ornithologique, 72 espèces d’oiseaux y ayant été recensées (220 espèces d’oiseaux ont été répertoriées dans l’île).
Nous avons fait une pause au vieux phare de Carleton, histoire d’y observer les baleines, puis avons marché le long de la rivière Patate, fréquentée par de nombreux castors, jusqu’à la grotte à la Patate, la troisième en longueur au Québec, avec ses 625 m de long.
FAUNE DIVERSE
Le quatrième jour, nous sommes descendus au sud jusqu’à Jupiter-la-mer, pour loger dans un chalet posté sur un promontoire devant une large baie. De la véranda, nous regardions les cerfs de Virginie gambader autour de nous (plus de 100 000 cerfs de Virginie circulent librement dans l’île). Et quel plaisir que de déjeuner en compagnie du petit renard et d’observer les pygargues à tête blanche (l’une des plus grandes concentrations en Amérique du Nord)! Au bout de la baie se trouvait l’autre joyau d’Anticosti: la rivière Jupiter, la plus spectaculaire des 200 rivières qui sillonnent l’île. Comment se lasser de voir dans des eaux claires comme du cristal les gros saumons sauter d’une fosse à l’autre? Mais la pêche au saumon étant l’apanage de gens fortunés, nous nous sommes contentés de lancer la ligne à la mer pour y pêcher de belles truites de mer argentées qui ont garni notre assiette le soir même.
Dans le canyon Brick, nous avons marché sur un sol rempli de fossiles. À Chicotte-lamer, nous nous sommes rafraîchis dans un canyon aux eaux vertes et avons marché sur le sentier des Échoueries où les phoques aiment se faire chauffer au soleil.
Nous n’allions pas quitter l’île sans voir les ruines de Baie Sainte-Claire, premier village construit par le chocolatier Henri Menier, à l’extrême pointe ouest de l’île. Et la nature tourmentée et d’aspect fantomatique de l’endroit nous a fait comprendre le combat qu’Anticosti mène depuis des siècles pour survivre. Un lieu unique assurément!